Les recommandations ou conclusions qui ont sanctionné les travaux du deuxième round du congrès de dialogue national de l'Ugtt ont-elles répondu aux attentes et ambitions des participants? Les constituants vont-ils suivre à la lettre ces recommandations et se contenter de les adopter en obéissant aux ordres de leurs partis, notamment ceux de la Troïka au pouvoir ? Quel sera le rôle imparti à la commission nationale de suivi dont la création a été annoncée dans la déclaration finale publiée à la clôture de la rencontre du Palais des congrès à Tunis ? La Presse a soumis entre autres ces interrogations à la réflexion de certains acteurs de la vie politique et de la société civile. Si les uns se montrent satisfaits des résultats obtenus, les autres estiment que beaucoup reste à faire et pensent que le dialogue doit se poursuivre. Réactions. Abdelwaheb Hani (président du parti Al Majd) : Des points de discorde persistent toujours Le second round du congrès de dialogue national de l'Ugtt a réussi à convaincre les partis récalcitrants, Ennahdha et son allié inconditionnel le CPR, à rejoindre le consensus national. Et c'est déjà un acquis à saluer. Il vient renforcer les conclusions du 16 octobre 2012. Sur le plan du contenu, il y a eu des avancées, surtout dans les domaines du régime politique et de l'équilibrage des pouvoirs entre les deux têtes de l'exécutif. Il faut aussi souligner l'importance de l'accord sur la lutte contre la violence et le terrorisme. Il reste malheureusement des points de discorde, notamment l'absence d'un consensus sur la dissolution des «ligues de protection de la révolution» ou toute autre milice. Nous avons enregistré également une sorte de recul sur l'impératif de l'impartialité de l'administration et sur la révision des nominations dans ses postes clés. Ennahdha a été réticent sur l'introduction de ce point dans la déclaration finale. Les décisions contenues dans cette déclaration seront-elles adoptées par l'ANC de manière à faire accélérer l'adoption de la future Constitution ? Mon sentiment est qu'Ennahdha et le CPR ont compris finalement qu'ils sont dans l'impossibilité de réunir la majorité des deux tiers des constituants pour faire adopter la Constitution. C'est ce qui explique un peu les concessions qu'ils ont faites puisque même lors du dialogue de Dar Dhiafa, il leur était difficile de réunir cette majorité sur le plan arithmétique. La commission de suivi issue des assises du jeudi 16 mai aura pour mission de veiller au respect des engagements pris et de poursuivre le dialogue sur les questions toujours en suspens. Lors de sa première réunion qui se tiendra le lundi 20 mai au siège de l'Utica, elle se penchera, entre autres, sur la proposition d'Al Majd appelant à l'élargissement de sa composition aux partis non représentés à l'ANC. Abdelaziz Kotti (membre exécutif de Nida Tounès) : Le dialogue doit se poursuivre Je ne pense pas qu'avec la fin du deuxième round du congrès de dialogue national de l'Ugtt, le débat est clos. Au contraire, il doit se poursuivre et se renforcer davantage. Nous avons perdu beaucoup de temps avec les manœuvres d'Ennahdha et du CPR qui ont réussi à faire échouer la rencontre du 16 octobre 2012. Les résultats du jeudi 16 mai constituent un début. Mais, malheureusement, les participants n'ont pas réussi à imposer une position ferme contre la violence et les ligues de protection de la révolution. Malgré l'accord des participants considérant qu'il faut trouver une solution finale à ces milices, Ennahdha et le CPR continuent à les défendre. Il est inacceptable d'ajourner la discussion d'une question aussi importante jusqu'à la conférence nationale de lutte contre la violence prévue le 18 juin prochain. Quant aux décisions contenues dans la déclaration finale, elles rejoignent celles émanant du débat qui s'est tenu à Dar Dhiafa. De son côté, l'ANC est tenue d'adopter ces décisions dans la mesure où elles représentent une sorte de consensus général de la part des participants. Pour ce qui est de la commission de suivi, je pense que de par sa composition (17 partis politiques, outre les principales composantes de la société civile), elle bénéficiera de la crédibilité nécessaire pour pouvoir pousser à la concrétisation des consensus convenus et à la proposition d'autres consensus qui devraient émerger de l'évolution de la situation politique nationale dans les semaines à venir. Abdelmajid Abdelli (enseignant universitaire) : Laissez les constituants faire leur travail A mon avis, en tant que professeur universitaire de droit, je considère que les pourparlers des palais Dhiafa et des congrès à Tunis sont intervenus trop tard pour la simple raison que le 3e projet de la Constitution a été revu par des spécialistes en droit qui ont formulé leurs propositions et remarques. Ces pourparlers ne vont pas permettre à l'ANC d'achever la rédaction de la Constitution dans des conditions favorables, car ils tournent autour d'avis politiques souvent divergents, ce qui ne permettra pas à la Constituante d'adopter en première lecture les articles du projet de la Constitution. Les constituants, étant issus de ces mêmes partis, sont obligés de suivre les consignes de leurs partis. Alors, il y a une perte de temps qui a un effet négatif sur la période transitoire qui a trop duré. En conséquence, les Tunisiens commencent à ne plus y croire et à perdre confiance dans l'institution qu'ils ont élue. C'est dire que ces concertations ont un effet négatif sur l'avancement de l'élaboration de cette Constitution. Ma conviction personnelle est de laisser les constituants accomplir leur mission sans bruit ni tapage politique, car ça ne mène à rien. Pour résumer et pour être constructif, je pense que les deux réunions de l'Ugtt et du palais Dhiafa n'ont rien apporté de concret pour l'élaboration de la Constitution que tout le monde attend. Walid Bennani (membre du bureau exécutif d'Ennahdha) : Pour une trêve sociale Les résultats de ce deuxième round du Congrès national de dialogue de l'Ugtt sont prometteurs à plusieurs titres, surtout que les participants sont parvenus à des accords sur beaucoup de points de discorde. Ces consensus nous permettront d'accélérer la finalisation de la Constitution et de faire en sorte qu'elle soit adoptée lors de sa première lecture sur la base des deux tiers des constituants. Notre ambition est d'éviter le recours au référendum et les dangers qui pourraient en découler. Aujourd'hui que le plus dur est passé, il est du devoir de tous de tout faire pour mettre un terme à la tension sociale, de poursuivre la concentration en vue d'éradiquer la violence et le terrorisme et de nous entendre sur le calendrier définitif en vue des prochaines élections. Une trêve sociale qui se prolongera jusqu'au rendez-vous électoral tant attendu constituera la meilleure solution à la crise actuelle.