De notre envoyée spéciale Samira DAMI Enfin un peu de soleil sur la Croisette après une pluie incessante. Cependant, les films de la compétition officielle n'ont pas tous brillé de mille feux. A preuve, hier les festivaliers ont abondamment sifflé Wara no tate ou Bouclier de paille du Japonais Takashi Miike. Pourtant, la fable est simple : un vieux milliardaire, Ninagawa, met à prix la tête de Kiyomaru, l'homme qui a violé et assassiné sa petite-fille de 8 ans. Des millions d'ennemis potentiels vont se dresser sur la route des policiers chargés d'escorter Kiyomaru, qui s'est rendu à la police, de Fukuoka jusqu'à Tokyo, transformant leur périple de 880 km en une poursuite infernale. La suite, on la devine: tout le monde veut descendre l'assassin afin de toucher la prime. Une infirmière, un camionneur qui a rempli son camion de nitroglycérine, un fou qui veut exécuter un enfant si le prisonnier ne lui est pas livré et même des policiers véreux. Mais les policiers qui protègent le cynique assassin résisteront-ils eux-mêmes à l'attrait de l'argent ? Accompliront-ils leur devoir jusqu'au bout ? Des questions qui effleurent le récit dominé par des scènes d'action il est vrai spectaculaires, façon Hollywood, tels ce carambolage de voitures, cette poursuite dans un train sans plus. Pour la profondeur du sens, il faudra repasser, car dans ce film qui se veut une dénonciation des effets de la mondialisation, où l'argent est devenu le nerf du monde sans restriction ni vergogne, aux dépens de toute morale, Miike commet le travers de privilégier la forme sur le fond. Son film aboutit sans jamais convaincre, impressionner, ni susciter la réflexion ou l'émotion à un western urbain plutôt creux que profond. Autre film de la compétition qui n'a pas brillé par ses lumières Un Château en Italie de Valeria Bruni Tedeschi, la seule femme sur les 20 réalisateurs de la compétition officielle. L'actrice-réalisatrice «continue de creuser la veine autobiographique, intimiste, familiale» dans cet opus qui succède à Actrices, réalisé 6 ans plus tôt. La réalisatrice italienne met en scène le destin d'une grande famille de la bourgeoisie industrielle italienne. Celui d'un monde qui se désagrège, nous renvoyant au film de Luchino Visconti Le Guépard, qui raconte la décomposition et la fin de l'aristocratie. Mais la comparaison s'arrête là. Car cette histoire de famille entre un frère, Ludovic (Filipo Timi), malade du sida; sa sœur, Louise (Valérie Tedeschi qui joue son propre personnage), amoureuse de Nathan (Louis Garrel (rêvant d'avoir des enfants) et leur mère dépassée par l'époque nouvelle où elle n'a plus sa place, n'accroche pas vraiment. L'ensemble qui se veut surréaliste s'avère pesant et a du mal à accrocher. Même les quelques rares moments d'humour n'arrivent pas à aérer cette chronique familiale chargée qui se veut psycho-analytique de la société contemporaine avec ses troubles et névroses. En fait, le film n'arrive pas à toucher d'autant que malgré toutes les scènes qui surfent sur les sentiments, il est dénué d'émotion. Borgman du Néerlandais Alex van Warmerdam, qui concourt également pour la Palme d'or, revisite à sa manière le film de P.P.Pasolini. Il s'agit d'un personnage étrange, Camiel Borgman, qui sonne à la porte d'une famille bourgeoise dans une banlieue cossue. Rêve ou démon ! Allégorie ou incarnation de nos peurs ! Encore une fois, on est loin du personnage de Pasolini qui a mis en émoi et déstabilisé une famille bourgeoise. La fable du Néerlandais est si alambiquée et artificielle qu'on n'y croit pas du tout. Peu crédible, mais surtout pesante. Décidément, il y a comme un creux dans la vague de la compétition.