Comme un Homme, de Safy Nebbou ***Dans Comme un homme, d'après le roman L'âge bête, de Boileau-Narcejac, Safy Nebbou met en scène ici la dérive d'un jeune garçon, Louis, 16 ans, qui vit seul avec son père. Pourtant timide, effacé et bon élève (ça tombe bien, son paternel est le proviseur de son lycée), Louis, avec Greg, son meilleur ami incontrôlable, va faire une grosse erreur. Les deux garçons, histoire de « donner une leçon » à leur prof d'anglais, kidnappent cette dernière et la séquestrent dans un cabanon perdu dans des marais. Mais après le rapt, Greg disparaît, laissant Louis seul avec son otage et sa culpabilité. La mise en scène, sobre et tendue à l'extrême, tire le meilleur parti de ses décors provinciaux étouffants et de son inquiétante forêt marécageuse. Même maîtrise du côté de la direction d'acteurs : la réunion des Berling père et fils (Charles et Emile) ne relève en rien du gadget promotionnel, mais sert au mieux cette ténébreuse histoire qui confirme le talent précieux du cinéaste.
Cornouaille, d'Anne Le Ny ****
Anne Le Ny, aussi actrice abonnée aux seconds rôles, change une nouvelle fois de registre derrière la caméra. Dans Cornouaille, elle met en scène Odile, une jeune parisienne qui structure tant mal que bien son quotidien entre son job prenant et sa liaison avec un homme marié. Contrainte de s'exiler quelques jours au fin fond de la Bretagne pour régler l'héritage de sa tante, l'héroïne souhaite vendre au plus vite la maison isolée de son enfance. Sur place, elle voit resurgir son douloureux passé. Arpentant des territoires de cinéma qui, sur un mode mineur, rappellent L'aventure de madame Muir de Joseph L. Mankiewicz, ou Sous le sable de François Ozon, Anne Le Ny signe une fiction atypique et sensible qui confirme son mépris pour toute forme d'académisme. Si Cornouaille souffre de maladresses formelles et de sa distribution inégale (Vanessa Paradis, dans le rôle principal, n'est pas toujours convaincante), on ne peut que saluer son audace et sa délicate étrangeté.
La Servante, de Kim Ki-young ****
Ce classique du cinéma coréen est, en fait tout sauf classique ! Il s'agit d'un mélodrame sauvage, fauché, réalisé par un cinéaste dont les films ne sont connus en Europe que par une poignée d'assidus des festivals. Le Buñuel du Journal d'une femme de chambre, le Pasolini de Théorème, le Losey de The Servant et l'œuvre de Fassbinder convoquent des thèmes similaires, mais les esthétisent ou les intellectualisent, alors que le traitement de Kim Ki-young est d'une crudité brute et explosive. Le noir et blanc violemment contrasté, les cadrages voyeuristes, le décor minimal qui tend vers le huis-clos, le jeu survolté des acteurs : tout contribue à faire de La Servante un film culte, naviguant périlleusement entre sublime et grotesque, tout en transgressant les tabous d'une société coréenne occidentalisée, embourgeoisée. En 2010, le talentueux Im Sang-soo lui rendait hommage en présentant au Festival de Cannes un remake glacial et post-moderne, « The Housemaid », et il récidiva cette année avec un jubilatoire sequel, « L'Ivresse de l'argent ».
Le film à voir, à la rigueur Magic Mike, de Steven Soderbergh ***
Si Steven Soderbergh a parfois été un cinéaste expérimental, avec Magic Mike, il a plutôt sorti le kit du petit chimiste. Prendre la trame de Coyote Ugly, inverser les rôles et faire de l'homme un objet sexuel, saupoudrer de détails crus, plaquer une mise en scène chic et voilà une comédie pour adulte. Avec Piégée, son film d'action au féminin sorti en juillet dernier, l'histoire de Mike constitue un dyptique simpliste qui voudrait prouver à l'industrie Hollywoodienne qu'il suffit d'une bonne idée pour avoir du bon cinéma. Si l'échec du premier lui avait donné tort, le succès du second lui a donné raison. Amusant à regarder et savoureusement joué par Channing Tatum (dont la vie a inspiré le scénario) et Matthew McConaughey (incroyable), Magic Mike reste à la surface de cette industrie. Au fond, film est plaisant, c'est aussi sa limite. Magic Mike est sympathique mais le véritable intérêt réside ailleurs, dans la vision qu'il propose du cinéma, et non du monde qu'il décrit.