L'Observatoire tunisien de la sécurité globale (Otsg) organise, hier et aujourd'hui à Tunis, un séminaire sur le syndicalisme policier en Tunisie, et ce, en partenariat avec la fondation allemande Hanns Seidel. Un séminaire auquel ont été invités à participer les deux syndicats policiers, à savoir le Syndicat national des forces de sécurité intérieure (Snfsi) et l'Union nationale des syndicats des forces de sûreté tunisienne (Unsfs). Mais en raison de leur rivalité actuelle que plusieurs intervenants disent en coulisse vouloir dépasser afin d'aboutir à un corps véritablement solide, les deux syndicats ont été invités, séparément, à une journée d'intervalle. D'ailleurs, Nabil Ayari, secrétaire général du Snfsi, déplore la scission qui a été faite au sein du premier syndicat de police créé au lendemain du 14 janvier 2011, qui intervient après, dit-il, « que tous les corps se sont soudés comme les doigts d'une seule main ». Il explique néanmoins que certains syndicalistes ont refusé les résultats des élections ayant porté un bureau exécutif à la tête du syndicat et ont tenté de jouer le « jeu des arrangements au lieu de celui des urnes », tout en estimant que l'éventuelle réunification devra se faire autour du syndicat original représenté, selon lui, par le Snfsi. Dans une volonté de dépasser ces clivages qui, pour lui, ne sont que temporaires, Jamil Sayah, président de l'Otsg, préfère parler du corps sécuritaire dans son ensemble et estime que la nouvelle République ne peut être pensée sans une véritable police républicaine, débarrassée des démons du passé et qui, désormais, doit rassurer les citoyens au lieu de leur faire peur. «Cette police républicaine dont je parle doit être construite avec les policiers et les syndicats», dit-il. Les démons du passé, et même du présent, Nabil Ayari y revient avec beaucoup d'amertume lors de son intervention, estimant que le premier corps qui a été maté par la dictature est celui de la police dont les membres, dit-il, «ont été privés de leurs droits élémentaires avec en prime un verrouillage juridique qui leur refusait tout recours en cas d'injustice subie». « Aujourd'hui encore, nous continuons à subir l'autisme du gouvernement quant à nos revendications. Pire, on nous accable de la fameuse circulaire n°9 du 4 juin 2012 qui vise à limiter l'indépendance du syndicat», explique-t-il. Il poursuit en pointant du doigt le fait qu'il subsiste derrière les murs du ministère de l'Intérieur des symboles de la corruption qui sévissaient avant la révolution. S'inspirer des expériences internationales Adoptant une approche constructive, l'Otsg fait participer à ce séminaire un représentant d'un des syndicats portugais de la police, dont l'évolution et l'expérience sont peut-être semblables au cas tunisien. En effet, Paul Rodrigues évoque le passé du Portugal, sorti en 1974 de la dictature suite à une révolution et rappelle que son pays avait maintenu après cette date la notion de «police de régime». Ce n'est que 14 ans après, en 1989, suite à une grande manifestation organisée par la police pour exprimer leur ras-le-bol de la mainmise du pouvoir sur le ministère de l'Intérieur, que les policiers ont été finalement autorisés à s'organiser en associations, puis, plusieurs années plus tard, en 2002, à créer des syndicats de police. Le Portugal compte aujourd'hui 11 syndicats. Avec beaucoup d'enthousiasme et d'humilité, Gérard Greneron, secrétaire général du Conseil européen des syndicats de police, partage l'expérience française en matière de syndicalisme. «Je suis très engagé dans ce type de dialogue et de débats, surtout dans les pays méditerranéens, car j'estime que ceux qui n'ont pas encore une vision méditerranéenne des enjeux n'ont rien compris», confie-t-il. Un sentiment également partagé par Jürgen Theres, délégué régional Maghreb de la fondation Hanns Seidel. Au terme de son exposé, Gérard Greneron n'a pas manqué de recommander aux syndicats de la police tunisienne de ne recourir aux manifestations qu'en dernier lieu et surtout de rester dans l'optique d'une force de proposition.