Les fidèles du festival international de Hammamet pourront s'extasier cet été d'un récital qu'assurera Adel Boundqa, le virtuose tunisien de la guitare, avec sa troupe. En attendant, l'album est disponible. Succulent ! Ce quatrième album de Adel Boundqa, intitulé ‘‘Ibq al Charq'' (approximatif : musc d'Orient) est un ensemble de sept morceaux instrumentaux de toute beauté. On y décèle l'influence sur l'artiste de plusieurs écoles musicales (arabe, andalouse, turque, tunisienne et occidentale) dont il a su tirer une fragrance certaine pour ses compositions propres. A chaque scène, ou tranche de vie, son décor et son ambiance appropriés. Et à écouter les morceaux de cet ensemble, on a effectivement la nette impression de changer à chaque fois de décor et surtout d'ambiance. Ce n'est pas seulement dû au changement des modes, c'est aussi à la faveur des rythmes, à la variété combinée des instruments et à la cadence, tantôt rapide, tantôt tempérée. Avec ‘‘Parfum'', le premier morceau, difficile de ne pas s'imaginer quelque part à Bagdad dans la cour d'un Haroun Al Rachid, par exemple, en train d'apprécier les mouvements concupiscents de geishas, non pas japonaises, mais mésopotamiennes. C'est toute une ambiance, des couleurs, un air patricien de l'aristocratie abbasside. Passé au deuxième morceau intitulé à juste titre Bédouine, le son de la kawala (flûte courte mais grosse, au timbre fort grave) nous transporte au Sahara, au désert, à dos de dromadaire ou de cheval, selon que la cadence est sobre ou enjouée ; on s'étonne ici du mariage réussi de la kawala avec la guitare. Un vrai tour de force. ‘‘Arôme'', le troisième, est un pont dressé entre l'Orient et l'Occident, le nay (flûte arabe) jouant à cache-cache avec d'autres instruments à vent et surplombant un rythme occidental forcené. Avec Musette, le suivant, on est dans l'ambiance des music-halls, l'accordéon donnant toute sa mesure au tango dans un bal populaire quelque part au Venezuela ou à Cuba. La belle Hijazyya Et voici Hijazyya, le morceau le plus savoureux de tous. Autant appeler les choses par leur nom : c'est une Lounga hijaz (d'origine turque, la Lounga est un morceau instrumental caractérisé par son rythme très rapide, saccadé). Soutenue par le rythme malfouf, cette Hijazyya est ce qu'il y a de mieux pour dégourdir les sens et les revivifier ; une vraie beauté celle-là ! Reste le clou de l'album : Danse mazmoum est une transe où le mode tunisien flirte sans couac avec le... jazz. Ce métissage réussi des genres est une preuve de plus que l'art, pour peu qu'on le veuille et l'admette, est capable de balayer les cloisonnements et les frontières. Tounès, le dernier morceau, est un hymne-hommage à la Tunisie. Et là, on est dans l'ambiance de chez nous. Cet album est ouverture sur le monde et respect de soi-même.