Attendue cette rencontre Lotfi Bouchnaq — CLub El Farabi. L'expérience, si l'on ne s'abuse, n'a pas de précédent. Un duo «pros» - «amateurs» (soulignons la noblesse du concept) relève normalement du défi. C'est fait désormais, et l'on verra avec quelle réussite. Attendue, surtout, en raison du virage pris par la troupe El Farabi, jusque -là spécialisée dans l'interprétation du patrimoine, et qui se confrontait, dès ce vendredi 4 juin au théâtre municipal, au risque tout autre que négligeable d'un répertoire inédit. Au final : une soirée qui aura surpassé toutes les espérances. Mérite à tous. A Lotfi Bouchnaq (composition et solos chantés et direction), à Adem Fathi (textes succulents) et, bien sûr, aux musiciens et choristes d'El Farabi, étonnants d'application, voire de créativité. Après avoir suivi ce programme, on n'a qu'une idée en tête : l'art ne se reconnaît qu'à sa qualité. Les «statuts», eux, viennent après: inutile de distinguer les amateurs des pros. Des robinets de mélodie Le concert : dans le strict rituel classique. Samaï, Mouachah, Dawr, Mawel, Taqtouqua, etc… Tout étant dit en progression de tempos (lent, mesuré, accéléré). C'était la règle du temps de l'âge d'or de la musique arabe. Ici, audace et miracle de la création, les modèles anciens, reproduits dans leurs forme originelle, exhibaient des esthétiques nouvelles à travers des contenus nouveaux. Le classique recréé! On ne citera pas tout, bien que le niveau fût toujours égal. Des morceaux tranchaient néanmoins. Tel «Ajabi», Mouachah contemporain (Adem Fathi-Bouchnaq) d'une métrique parfaite, savoureux d'un bout à l'autre. Telles encore «Les chansons des métiers», peut-être insuffisamment présentées au public (zajals de l'Egyptien Maged Youssef, musique de Bouchnaq) dont la fluidité, le pittoresque du phrasé «Baladi» rappelaient à bien des égards le style authentique de Sayyed Derwish. Quelques-unes (Ennagar, El Ganaïni) sont à croquer. Des robinets de mélodie! Moins de volume Quelques bémols ? La sono, à coup sûr. Elle a un peu nui à l'orchestre. L'ensemble El Farabi devrait quand même, si tant est qu'il compte prolonger l'essai, chercher à renforcer son potentiel instrumental. Mais on ne dira jamais assez notre satisfaction devant le travail de la chorale d'El Farabi (18, filles et garçons) qui fut non seulement maîtrisé et sur tous les registres, mais encore, qui respirait le bonheur du moment. Le plaisir du chant.