Le jour J est enfin arrivé. Les élèves des classes terminales ont planché hier sur l'épreuve de philosophie programmée pour la première journée de la session principale du baccalauréat . Cette épreuve a duré quatre heures pour la section lettres et trois heures pour les élèves des autres sections. Devant le portail du lycée d'El Ouardia, des parents, dissimulant mal leur anxiété, scrutent attentivement le grand hall de l'établissement dans l'espoir d'apercevoir leur enfant. Enfin, les premiers groupes de candidats surgissent, serrant et chiffonnant dans leurs mains brouillons et copies d'examens. Une heure plus tôt, quelques élèves avaient déjà achevé l'épreuve avant le délai imparti, sortant de la salle, jubilant d'avoir travaillé sur des thèmes classiques et à la portée. Dans le brouhaha général, on palabre vivement, à grand coups de mots et d'arguments sur les thèmes proposés pour cette session. Candidate de la section économie et gestion, Maroua affiche un air serein et confiant. Celle-ci a, en effet, révisé le programme de philosophie en entier sans faire l'impasse sur aucun chapitre, afin de ne pas rater l'épreuve. « Je trouve que l'épreuve de philosophie de cette année est plus facile que celle de l'année dernière, a observé la jeune fille. Comme d'habitude, l'examen comportait deux grandes parties. Dans la première partie, nous avons eu droit à deux sujets d'essais portant respectivement sur les thèmes de la société et de la tolérance. Est-ce que la société conditionne la vie de l'individu? Est-ce qu'elle lui impose des règles ou l'individu vit-il suivant ses propres règles, à lui? L'individu peut-il vivre en dehors des règles fixées par la société? Nous devions argumenter en posant le pour et le contre. La seconde question s'est articulée autour du thème de la tolérance. Il fallait argumenter sur la base de la maxime suivante: la tolérance est un signe de faiblesse» en avançant une série d'arguments contraires à cette idée reçue. Je n'ai pas éprouvé de difficultés car nous avons déjà étudié ce thème en classe ». Tenant encore la copie de l'examen dans ses mains, Souha, une jeune fille vive et enjouée, devise gaiement avec sa camarade. Cette jeune, candidate de la section économie et gestion, espère obtenir la moyenne dans cette épreuve qu'elle semble « avoir bien passée », avoue-t-elle. « C'est une épreuve classique et sans surprise. Les problématiques qui y sont posées ont été bien travaillées en classe. Dans la deuxième partie qui compte pour dix points, nous avions le choix entre deux thèmes : la modélisation scientifique et l'Etat et le respect de la loi. J'ai choisi de disserter sur la première problématique en définissant tout d'abord les bases de la modélisation scientifique et en développant une argumentation et une contre-argumentation sur le rapport de la modélisation au réel ». Candidate de la section informatique, Nadia relit attentivement son brouillon puis se met à discuter des idées qu'elle a griffonnées sur le papier froissé, avec d'autres camarades de classe. Comme de nombreux candidats, celle-ci a choisi le thème de l'Etat et du respect des lois. « D'où la loi tire-t-elle sa force? est l'une des problématiques qui nous ont été proposées dans cette épreuve. Cela revient à parler de l'Etat de droit qui impose le respect de la loi pour maintenir l'ordre social. J'ai évoqué l'aspect positif et négatif de la chose. Pour faire respecter la loi, l'autorité politique n'hésite pas à avoir recours à la violence. J'ai développé mon antithèse à partir de cet axe en évoquant les philosophes qui en parlent et en présentant plusieurs exemples ». Idem pour Ghaïth, candidat de la section technique, qui a choisi de disserter sur le sujet de l'Etat en s'inspirant de la réalité politique de certains pays qui impose, parfois, le respect de la loi en recourant à des mesures répressives. « Il s'agit d'un sujet classique sur lequel on peut disserter en nous inspirant d'exemples tirés de notre quotidien ». Au lycée de la rue de Russie, la tension était à son comble à la fin de la matinée . Les yeux rivés sur la porte de l'établissement, la mine soucieuse, des parents de candidats attendent de voir leur enfant surgir de la salle d'examen. Fonctionnaire, Sonia, une jeune mère dynamique affichant la quarantaine, a obtenu une permission pour s'absenter la matinée. La jeune femme a tenu a à accompagner sa fille Nour, candidate de la section lettres afin de la réconforter et de la soutenir moralement. « Toutes les nuits où elle révisait, j'ai veillé avec elle, a relevé la jeune femme. J'ai accordé une attention particulière à son régime alimentaire, en privilégiant les aliments qui stimulent la concentration et la mémoire. J'ai essayé également de la détendre. La préparation psychologique est très importante pour pouvoir aborder comme il faut les examens ». C'est à la fin de la matinée après avoir planché studieusement sur le sujet de philo que la jeune candidate brillante_ elle a obtenu une moyenne annuelle de 14 sur vingt_ a daigné pointer le bout de son nez, sortant de la salle d'examen, le sourire aux lèvres. « Il s'agit d'une épreuve abordable, a souligné la jeune bachelière. Parmi les thèmes qui nous ont été proposés, il y a l'Etat, les modèles symboliques, le moi et l'altruisme...Mes camarades ont choisi de travailler sur les réseaux d'information et de communication qui ont estompé les frontières et rapproché les peuples de différentes cultures. Il fallait en fait présenter les avantages et les inconvénients que présentent de tels réseaux. Certes, ils rapprochent les gens mais, paradoxalement, ils accentuent leur isolement et encouragent l'individualisme. Il s'agit d'un sujet classique qui a été beaucoup travaillé au cours de l'année ». Soulagés d'avoir passé la première épreuve sans encombres, les candidats ont déjà la tête ailleurs et espèrent réussir la seconde épreuve qui portera, pour chaque section, sur la matière principale.