Il est plus intelligent d'initier les enfants à la vie et de leur inculquer les valeurs universelles à travers les contes, plutôt qu'à travers des instructions à la verticale en tirades. Emerveillés, tout ouïe, ils adhèrent à l'histoire, compatissent avec les «Bons», s'indignent contre les «Méchants» et découvrent, via le dénouement de l'intrigue, la morale qu'ils ne sont pas près d'oublier. Yohka Anna (il était une fois...) est une pièce de théâtre pour enfants âgés de plus de six ans qui a été présentée, mercredi dernier, à la salle Le 4e Art. Elle constitue une reprise intéressante de Ali weld el soltan (Ali, le fils du sultan), un conte pour enfants, puisé dans le répertoire populaire tunisien. Le texte est de Mokhtar Louzir, la mise en scène de Lotfi Akermi et l'interprétation de Wahid Megdich, Nassib Barhoumi, Naceur Akermi, Moez Ben Taleb, Imen Lazaâr et Malak Kouki. Il était une fois un sultan à qui le destin a réservé la joie d'avoir un enfant après six bébés mort-nés. Prénommé Ali, il a été béni comme un enfant miracle qui a permis au royaume de sortir, enfin, de la sphère de la malédiction et d'espérer un avenir meilleur, cette malédiction qui a, quand même, empêché le prince de connaître sa mère, décédée une année après sa naissance. La nouvelle reine, que le roi a épousée plus tard, le haïssait au point de convaincre son père de l'isoler dans un château délabré où il serait accompagné d'une nourrice et d'un maître, sous prétexte de l'initier à la vie d'un prince digne de son statut et de sa lignée. L'enfant grandit, isolé du monde, prisonnier d'un quotidien sans surprises, n'ayant pour seuls moyens de divertissement que les cours du maître, la lecture et les soins élémentaires de la nourrice. Un jour, il entendit des bruits de fête résonner dans l'air. La vitre de la fenêtre, fermée depuis sa prime enfance, est soudain brisée par un coup maladroit. Le destin offre au prince la chance de découvrir le monde dont il était privé. Il décide, alors, de se présenter au grand public, de se mesurer aux autres dans l'art du combat, d'affirmer son identité et d'embrasser enfin la liberté. Admirant les chorégraphies réussies par les protagonistes, riant à pleins poumons aux diverses farces, le jeune public apprenait les abc de la vie. Si la morale de l'histoire consiste en la suprématie de la vérité, d'autres principes, tout aussi importants, étaient décelables via le dialogue, les actes et les situations. En effet, l'enfant se rend compte, non sans souplesse, qu'il ne faut jamais céder au désespoir, que le savoir est plus imposant que la violence, que la liberté est un droit absolu et d'une valeur inestimable, que les pratiques malsaines finissent toujours par nuire à ceux qui les initient. Dramatiquement parlant, la pièce répond aux critères du théâtre pour enfants : un texte simple, accessible aux chérubins avec une pointe d'humour et de critique sociale qui ne laisse pas les adultes indifférents. La passivité et le côté influençable du sultan face aux charmes de son épouse nous rappellent, en effet, bien des maladresses commises par les chefs d'Etat. Les cris de détresse que lance le narrateur (El barrah) renvoient aux déceptions éprouvées de tout un peuple. D'autant plus que le recours de la reine aux diseurs de bonne fortune, aux voyants et à autres charlatans, nous en dit long sur la fragilité de la scène politique de tout temps. La pièce, comme toute les histoires que l'on raconte aux enfants, se termine en beauté, avec le bien qui triomphe du mal.