«Prendre la lune au lasso», jouer à «la roue de la fortune», se perdre dans les «nuages de moucharabiehs», flirter avec le «cercle polaire», passer du «disque» au «cercle en accordéon», en un mot, éviter le cercle vicieux sans que cela soit la quadrature du cercle, voilà ce à quoi nous invite Insaf Saada à travers l'exposition qu'elle présente à la galerie Ammar-Farhat. On savait l'artiste passionnée des cénacles mystiques, des cercles sacrés, et des rondes magiques. On la savait curieuse de voies nouvelles, d'échappées belles, et d'expériences rebelles. On la savait encore précieuse et précise, ludique et rigoureuse, académique et excentrique. Tout ceci, et bien d'autres choses encore, se retrouve dans cette exposition que l'on pourrait décliner comme un inventaire à la Prévert, faite de sculptures qui ne sont pas que cela, de totems, qui veulent dire autre chose, et de peintures qui décident de prendre de l'épaisseur. «Dans ce travail, tout tourne... autour du cercle. En mettant le pied dans cet univers, on est happé par un tourbillon de matières solides inscrites dans une circonférence dont le centre nous échappe. Mais pour peu que l'on soit attentif, et que l'on abandonne la recherche d'un centre unique, on voit une multitude de cercles se former, s'élargir, se détruire et parfois éclater», écrit Aïcha Filali qui raconte Insaf Saada, si difficile à cerner. Alors, vicieux le cercle ? Nous dirions plutôt facétieux, joyeux, imprévisible, tournant et roulant là où on l'attend le moins, se fondant dans les matières les plus diverses, résine, métal découpé, se tissant de moucharabiehs, et de dentelles lumineuses, se parant d'ors en fusion, de noirs profonds, de verts mousse, ou d'ambres éclatés, se déguisant en choux fleuris, en éventails coquets, et en... mille autres choses. Tel un sorcier qui trace avec son bâton un territoire qu'il est le seul à voir, Insaf se plaît à décrire pour nous cette multitude de cercles magiques. Le seul moyen : entrer dans cette ronde !