C'était en 2004. Pour la première fois de son histoire, Dar El Kamilia, la résidence de l'ambassade de France, ouvrait son jardin au public, et l'on pouvait découvrir ce que cachait ce qu'avait appelé à l'époque Raja Farhat le mur blanc du désir. Dans ce parc superbe, l'argument était artistique, et on avait invité des sculpteurs tunisiens et français à y présenter leurs œuvres. Depuis, le mur avait retrouvé son opacité, et le parc son splendide isolement. Aujourd'hui, à nouveau, Dar El Kamilia ouvre ses jardins, à la seule création tunisienne cette fois-ci. Une création jeune, audacieuse, non encore consacrée, qui n'a pas encore eu la reconnaissance des galeries et du public. Une création multiforme, tous supports, expérimentale, énergique, joyeuse, iconoclaste, aventureuse et, ma foi, bourrée de talent. A l'origine de cette invitation en ce lieu des plus fermés, une gageure : pourquoi ne pas offrir à de jeunes artistes tunisiens, sélectionnés par un cénacle de professionnels, les moyens et les chances de s'imposer sur la scène internationale ? Et permettre à leur seul talent de les distinguer ? Un premier rendez-vous était donc pris, rendez-vous d'art contemporain entre Tunis et Paris qui allait se décliner en deux temps, deux lieux et deux pays. Trente jeunes artistes, peintres, sculpteurs, photographes, vidéastes, graphistes, artistes numériques et performers exposent donc en un premier temps, à la galerie Mille Feuilles pour un accrochage classique, et dans les jardins de l'ambassade de France pour les sculpteurs, installateurs et vidéastes. Tous exposeront par la suite à Paris, en marge de la Fiac. Le parcours artistique offert au public dans le parc constitue la première partie de ce rendez-vous artistique, et un moment magique. Dans les allées parfumées des différentes essences que la tombée de la nuit exalte, car il faut impérativement faire cette visite à la nuit tombée, les créations des différents artistes ponctuent le parcours. Et choisissent leur emplacement stratégique‑: une pelouse dégagée pour la vidéo de Ghazi Frini, une clairière abritée pour les totems de Mohsen Jelliti, une pièce d'eau pour les fleurs lumineuses, l'ombre d'un arbre pour le hamac miroir de Claire Daoud, un bosquet pour le massif de fleurs de stèles de marbre de Hichem Driss, une placette pour le documentaire de Tarak Khalladi, une butte pour la volière de Noutayel. Il serait dommage de dévoiler toutes les surprises de ce parcours de découvertes. Sachez seulement qu'on lui a offert une remarquable scénographie, un son et lumière qui exalte les œuvres, et n'empêche pas le regard du visiteur d'effleurer les romanités qui émaillent le parc. Et que c'est bourré de talent!