Par Selim KHOUIDHI* Au quatrième siècle avant J-C., Carthage jouissait d'une remarquable constitution, ce qui lui a valu les louanges du philosophe grec Aristote. En effet, selon les dires d'Aristote, la constitution de Carthage à cette époque-là était certainement une des meilleures au monde vu qu'elle garantissait aux Carthaginois un certains nombre de libertés et de droits, et assurait la pérennité de l'Etat. Assurément, Carthage avait une organisation politique de type hybride mêlant les éléments de trois régimes, à savoir : Un régime de type monarchique, composé par les suffètes qui avaient la charge de gérer l'administration civile, de rendre la justice et de convoquer les assemblées. Ces suffètes étaient élus et n'exerçaient ni le pouvoir militaire ni le pouvoir religieux. Un régime de type oligarchique, représenté par le Conseil des anciens, constitué de près de 300 aristocrates, qui était en charge de toutes les affaires intérieures de la cité et de sa politique étrangère. Un régime démocratique, constitué par l'Assemblée du peuple. Cette large assemblée était composée de tous les hommes libres de la cité et se réunissait place de l'agora, à l'occasion des grandes décisions, ou pour trancher, en cas de désaccord, entre les deux premiers pouvoirs. Au vingt et unième siècle après J-C., la Tunisie post-révolutionnaire jouit d'un «remarquable» projet de constitution, ce qui lui a valu les louanges du Troïkiste Dr Ben Jaâfar. En effet, selon les dires de Ben Jaâfar, la future Constitution de la Tunisie sera certainement l'une des meilleures au monde vu qu'elle garantira aux Tunisiens un certain nombre de libertés et de droits et assurera la pérennité de l'Etat. Assurément, et selon la version finale du projet de la Constitution, la Tunisie aura une organisation politique en apparence de type hybride mêlant ces éléments, à savoir : Un régime présidentiel où le président, fort de certaines prérogatives, dispose d'une autorité absolue sur l'armée, dans un Etat où l'armée est, à tout le moins, d'une puissance relative, et dispose du choix du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, parmi uniquement les propositions du Premier ministre et avec le consensus du Parlement. Un régime de type parlementaire avec un chef d'Etat doté de prérogatives fortes avec des rouages entre l'exécutif et le législatif tellement contraignants qu'ils ne peuvent qu'entraver la décision, ce qui pourra engendrer la paralysie de l'Etat; Un régime «démocratique» où certaines libertés sont bafouées, où la diversité des apports de civilisations constitutives de l'actuelle Tunisie est noyée dans une logorrhée et les droits de l'Homme conditionnés par «les principes immuables de l'Islam». Illustres constituants, au lieu de vous réjouir d'avoir parachevé une telle version finale de la future Constitution de la Tunisie dont la rédaction a duré pratiquement deux années et vous a permis de vous enrichir au détriment du pauvre contribuable, indignez-vous plutôt de la décadence à laquelle nous assistons. En effet, contrairement à la Constitution de Carthage qui a contribué au rayonnement de la cité, et qui était la Constitution du peuple, la future Constitution de la Tunisie qui servira à légitimer un pouvoir déjà en place sera uniquement la Constitution de la Troïka, et ne pourra inéluctablement que contribuer à la décadence de l'héritière de Carthage. * (Expert-comptable)