Il faut remonter loin dans l'histoire pour trouver les premières constitutions qui avaient réglementé la vie de la Cité. Et si Aristote dans son ouvrage La Politique attribue à Sparte et Crète les premiers textes à caractère constitutionnel et y évoque la Constitution d'Athènes, d'autres historiens affirment que la première Constitution de l'histoire de l'humanité a vu le jour dans la ville de Babylone, sous le régime du roi Hammourabi dont le code qui porte encore son nom, composé de 280 arrêtés, demeure encore gravé sur la stèle en diorite, soigneusement gardé au musée du Louvre. Mais Athènes, Sparte et Crète ne sont pas les seules cités évoquées dans l'ouvrage d'Aristote. Ce dernier réserva une grande place à Carthage qui, à côté de son émule de l'époque, Rome, se dota d'une Constitution. L'on sait que cette Cité, construite en 814 (avant J.-C.) par la Reine Didon ou Elyssa, connut un essor considérable et fut une grande puissance commerciale et maritime. «L'organisation politique de Carthage était louée par de nombreux auteurs antiques qui mettaient en avant sa réputation d'excellence». Aristote la dépeint comme un modèle de constitution «mixte», équilibrée et présentant les meilleures caractéristiques des divers types de régimes politiques; il mêle à la fois des éléments des systèmes monarchique (rois ou suffètes), aristocratique (Sénat) et démocratique (Assemblée du peuple). L'étude de la royauté de Carthage a entraîné l'hypothèse que ceux appelés «rois» sont en fait les «suffètes». Cette hypothèse est davantage conforme aux traditions orientales et à celles de Tyr : les suffètes (shouphet signifiant «juges») sont des chefs et des gouvernants. Chargés de rendre la justice et de gérer l'administration civile, leur charge n'est pas héréditaire. Le gouvernement devait être comparable à celui de Rome, avec un Sénat et deux suffètes élus chaque année mais appelés «rois» par les Romains et les Grecs. On pense que ces suffètes exercent à la fois le pouvoir judiciaire et exécutif mais non le pouvoir militaire, réservé à des chefs élus séparément chaque année par l'Assemblée du peuple et recrutés parmi les grandes familles de la cité. Le pouvoir des suffètes est vraisemblablement uniquement un pouvoir civil d'administration de la chose publique. Choisis comme tous les magistrats de la cité selon leur richesse et leur compétence, ils ne sont pas rémunérés par ailleurs La population, composée d'une majorité de pauvres ou d'artisans et une minorité de marchands aisés, a son mot à dire dans les affaires de la cité. Le simple citoyen a des droits et des devoirs dans toutes les cités phéniciennes, même s'il ne semble pas avoir disposé d'assemblée ailleurs que dans la capitale punique dans l'état actuel des connaissances. Une Assemblée du peuple est citée dans le texte d'Aristote et on suppose que seuls les hommes libres y sont admis. Certaines sources font état d'une réunion sur l'agora de la cité, à proximité du quartier des ports et seulement sur convocation des suffètes. Certaines affaires sont évoquées devant cette assemblée en cas de désaccord entre les institutions de forme oligarchique, même si ces assertions ne sont étayées par aucune autre source que le texte d'Aristote. De même, ces institutions oligarchiques doivent être d'accord pour qu'une affaire soit portée devant l'Assemblée. Les magistrats et les généraux sont par ailleurs élus par cette dernière. Si la masse populaire était un élément foncièrement perturbateur, Aristote souligne la stabilité constitutionnelle qui est considérée comme un «effet du hasard». Le régime oligarchique carthaginois, régime fragile, n'a pu que traverser de graves périodes, en particulier au moment des guerres puniques. L'Assemblée du peuple a accru son pouvoir durant le IIIe et le IIe siècles av. J.-C., avec l'élection des généraux par l'Assemblée et aussi sans doute des suffètes. Les grandes incertitudes ne permettent pas au final de déterminer quel était le degré de démocratie dans l'ancienne Carthage, la place du citoyen étant inconnue. Il n'y avait pas à Carthage de service militaire, l'armée étant composée de mercenaires, même si les sources évoquent une farouche défense au moment de la Troisième Guerre punique.