• Une approche ambitieuse marquée par un équilibre étroit entre la modernisation de la vie humaine et les exigences d'un environnement sain et durable Par Azouz BEN TEMESSEK (Assistant en droit public, faculté de Droit de Sousse) Les changements climatiques sont des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l'atmosphère mondiale et qui viennent s'ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables. Les changements climatiques désignent ainsi les modifications du climat qui regroupe tous les éléments qui constituent le temps, à savoir la température, les précipitations et les vents. Mais on parle beaucoup plus aujourd'hui d'un changement du climat vers son réchauffement. Le réchauffement climatique consiste, en fait, en une augmentation des degrés de la température due aux émissions accrues de gaz à effet de serre imputables essentiellement aux activités humaines. Les scientifiques déclaraient déjà qu'il était à craindre que les températures de notre planète ne s'élèvent inexorablement en raison de quantités sans cesse croissantes de combustibles fossiles brûlés pour fournir l'énergie aux usines de la révolution industrielle en pleine expansion. Ils ont averti qu'un tel réchauffement de la planète pourrait provoquer des variations irréversibles du climat mondial. Toutefois, ces éventualités n'ont attiré l'attention des communautés scientifiques et politiques que récemment. En effet, en 1988, le Programme des Nations unies pour l'environnement et développement (Pnued) et l'Organisation météorologique mondiale ont créé un "groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat" chargé d'étudier les aspects scientifiques et les conséquences d'un changement du climat et de préconiser les directives éventuelles. Ce groupe va constater une évolution du climat vers son réchauffement. Il a constaté que les gaz à effet de serre émis par des activités humaines ont conduit à un réchauffement mondial rapide sans précédent. La terre est actuellement plus chaude de 0,5 degré Celsius plus que l'ère préindustrielle et à la fin du siècle prochain, on pense que cette température aura augmenté d'au moins trois degrés. Le réchauffement provoquera d'importantes modifications du climat et aura de sérieuses répercussions écologiques, économiques et sociales sur la génération actuelle et future. Si nous n'agissons pas rapidement pour réduire les émissions, le mieux que nous puissions espérer, le climat sera, dans un siècle, plus chaud que n'importe quelle époque depuis le début de la civilisation agricole. Mais l'application des mesures d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, à l'échelle planétaire, exige la création d'une coopération de tous les pays développés et en développement. C'est ainsi que les négociations sur la conclusion d'une convention-cadre sur les changements climatiques ont été entamées lors du déroulement de la conférence de Rio de Janeiro en 1992 (Sommet de la terre). Ces négociations aboutiront, en effet, à la conclusion de la "convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques", adoptée le 9 mai 1992 et entrée en vigueur le 21 mars 1994. L'objectif ultime de cette convention est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Cette convention constitue l'acte fondateur de l'engagement international à prévoir les conséquences, atténuer les causes et limiter les effets néfastes des changements climatiques. Mais elle prévoit un engagement non contraignant pour les pays industrialisés qui consiste à ramener le niveau de leurs émissions de gaz à effet de serre de l'année 2000 à celui de l'année1990. L'absence d'engagements juridiquement contraignants pour les Etats parties leur a imposé l'adoption d'un protocole comportant des engagements contraignants et quantifiés des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit du Protocole de Kyoto adopté en 1997 et entré en vigueur en 2005. Ce protocole précise le niveau de réduction des émissions à effet de serre auquel s'engagent les pays industrialisés qui doivent réduire au moins 5% de leurs émissions sur la période 2008-2012 par rapport à leurs niveaux de 1990. La protection de l'environnement, une priorité nationale Pour sa part, la Tunisie a fixé la protection de l'environnement parmi ses priorités nationales et s'est intéressée à la question du réchauffement climatique dans le cadre de sa politique nationale. Tout au long des dernières décennies, la Tunisie n'était pas en dehors de ce qui se passe dans le monde. Elle a participé à toutes les manifestations internationales se rapportant à la matière environnementale. Elle a été partie dans toutes les conférences (Stockholm, Rio, Johannesburg, Copenhague) et a approuvé les déclarations qui en découlent. Dans ce sens, la Tunisie a ratifié la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques par la loi du 11 mai 1993 ainsi que son protocole additionnel de Kyoto par la loi du 19 juin 2002 nonobstant sa contribution relativement limitée dans l'amplification des gaz à effet de serre. En ratifiant la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992, la Tunisie est soumise à deux engagements quoi qu'ils en soient non rigoureux. D'une part, elle s'est engagée à préparer une "communication initiale", conformément aux articles 4 et 12 de la convention-cadre, décrivant les efforts consentis en matière de lutte contre les effets néfastes des changements climatiques. Elle doit aussi informer des dispositions et des initiatives nationales adoptées et ayant un rapport avec l'évolution du climat. La Tunisie s'est acquittée de ses engagements à ce propos, en présentant sa première "communication nationale" lors de la septième conférence des parties, organisée à Marrakech, du 29 octobre au 9 novembre 2001. Cette communication a englobé des informations relatives à l'inventaire des gaz à effet de serre, à l'évaluation de la vulnérabilité et de l'adaptation aux changements climatiques et à l'évaluation du potentiel d'atténuation des gaz à effet de serre. D'autre part, en vertu de l'engagement d'établissement d'un "inventaire des gaz à effet de serre", la Tunisie a préparé son premier inventaire national des émissions de gaz à effet de serre pour l'année 1994. L'inventaire a été établi selon la méthodologie préconisée par le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat et conformément aux recommandations de la conférence des parties à la convention-cadre. Cet inventaire, actualisé en 1997, a porté sur différents gaz à effet de serre dont, notamment le dioxyde de carbone, le méthane, l'oxyde nitreux, l'oxyde d'azote, etc. Cet inventaire constitue un document de référence pour le secrétariat de la convention-cadre sur lequel elle se base pour imposer des obligations aux Etats parties, dans la mesure où il révèle la participation de chaque Etat dans l'amplification de gaz à effet de serre. Pour ce qui est de la Tunisie, il ressort de son inventaire qu'elle n'émet que des quantités relativement faibles de gaz à effet de serre. Dès lors, quelle est sa position en vertu de ses engagements issus du Protocole de Kyoto? Les pays en voie de développement sont exemptés d'engagements contraignants. Ils ont, cependant, la possibilité de participer à l'effort international d'atténuation des gaz à effet de serre à travers le "Mécanisme pour un développement propre" instauré par le Protocole de Kyoto. Ce mécanisme vise trois objectifs. D'abord, contribuer à l'objectif ultime de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ensuite, aider les pays industrialisés à respecter leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre et, enfin, aider les pays en voie de développement à atteindre un développement durable. Le "Mécanisme pour un développement propre" permet aux investisseurs des pays industrialisés de financer des projets de réduction de gaz à effet de serre dans les pays en voie de développement et d'obtenir, en contrepartie, des crédits de réduction d'émissions certifiées. Les crédits d'émissions résultent de la comparaison entre les émissions du projet "Mécanisme pour un développement propre" et celles qui auraient été réalisées en l'absence de ce projet. En outre, le "Mécanisme pour un développement propre" est un mécanisme de marché, de transfert de technologies propres vers les pays en voie de développement, réalisé en conformité avec les priorités de développement socioéconomique du pays hôte. Depuis la ratification du Protocole de Kyoto, plusieurs activités ont été initiées en Tunisie visant la mise en place des conditions favorables à l'exploitation du potentiel d'atténuation des gaz à effet de serre et le montage de projets "Mécanisme pour un développement propre". Dans ce cadre, la Tunisie a préparé un portefeuille de projets "Mécanisme pour un développement propre" dans le secteur de l'énergie et a identifié des projets susceptibles d'être éligibles au "Mécanisme pour un développement propre" dans les secteurs du transport, forêts et déchets. Dans le même cadre et pour assurer une application effective du "Mécanisme pour un développement propre" au sein des projets réalisés sur le territoire tunisien, un bureau national d'examen et de suivi des projets "Mécanisme pour un développement propre" a été mis en place en décembre 2004, au sein du ministère de l'Environnement et du Développement durable, chargé de la coordination de ces projets en Tunisie ainsi que leur vérification et approbation selon les critères de développement durable. Une ferme volonté politque En Tunisie, les premiers travaux d'identification des critères de développement durable ayant une relation avec le "Mécanisme pour un développement propre" ont été réalisés dans le cadre du projet "Stratégie d'atténuation des gaz à effet de serre à travers la maîtrise de l'énergie". Ces critères ont été développés sur la base d'une approche participative et en concertation avec les différentes parties concernées par la maîtrise de l'énergie et les projets "Mécanisme pour un développement propre". Un portefeuille de petits projets a été élaboré concernant, à titre indicatif, la construction de deux centrales éoliennes pour la production de l'électricité, une à Bizerte et l'autre à Thala, la diffusion des chauffe-eau solaires dans les nouvelles habitations individuelles et semi-collectives ainsi que dans le secteur hôtelier et le développement de l'usage du gaz naturel comme carburant dans le transport public. Il en découle que la Tunisie, bien qu'elle soit un pays émergent, de faible contribution à l'amplification de quantités de gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère, a pris l'initiative de la lutte contre le phénomène planétaire du réchauffement climatique. Une initiative consolidée par une ferme volonté politique exprimée par le Président Zine El Abidine Ben Ali qui s'est adressé au XXVe Sommet France-Afrique qui s'est tenu les 31 mai et 1er juin 2010 à Nice, par une allocution sur "Le changement climatique". Conscient que l'ampleur du péril que représente le changement climatique et de la gravité des menaces qu'il fait peser sur l'humanité tout entière (érosion du sol, déforestation, montée du niveau de la mer et raréfaction de l'eau), le Président Ben Ali invite la communauté internationale à adopter une "nouvelle économie mondiale qui tienne compte de la sauvegarde de l'écosystème et encourage le développement des technologies modernes utilisant les énergies renouvelables, propres à créer un surcroît d'emplois et de sources de richesse". Cela nécessite l'intensification de tous les efforts "pour la préservation des forêts, le reboisement, la lutte contre la désertification et l'érosion des sols, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'incitation à la production des énergies renouvelables. Ce sont de nouveaux défis que nous avons pris en compte dans l'élaboration de nos politiques globales et de nos stratégies de développement, aux niveaux national, régional et continental". Le programme du Président Zine El Abidine Ben Ali pour le quinquennat 2009-2014 traduit, dans son axe n°21, les fondements de l'approche environnementale suivie par la Tunisie. C'est une approche ambitieuse marquée par un équilibre étroit entre la modernisation de la vie humaine et les exigences d'un environnement sain et durable.