Eva Joly suggère à la Tunisie de suivre l'exemple islandais pour ce qui est des prêts souscrits par le président déchu et les membres de l'ancien régime «Tout comme plusieurs systèmes fiscaux dans le monde, le système fiscal tunisien présente un certain nombre de carences qui facilitent l'évasion et la fraude fiscales. Lesquelles carences empêchent de promouvoir les secteurs étroitement liés au vécu quotidien des hommes, à savoir, l'infrastructure, l'éducation et les prestations de santé, entre autres», a affirmé Mme Eva Joly, à l'ouverture d'une conférence de presse tenue, hier, à Tunis, par l'Association tunisienne de la transparence financière. Abondant dans le même sens, la magistrate franco-norvégienne, qui s'est faite connaître dans les années 1990 en instruisant des dossiers politico-financiers médiatisés, tels que ceux concernant Bernard Tapie et l'entreprise Elf, a ajouté que le système fiscal tunisien souffrant de plusieurs défaillances a contribué à la hausse de l'endettement du pays auprès des institutions financières internationales. « L'endettement de la Tunisie situé à moins de 50% est bien plus modeste que celui de la Grèce (120%), des Etats Unis (100%) et de la France qui sera bientôt de 90%. Mais, il faut quand même s'armer de prudence car ceux qui se trouvent aujourd'hui coincés sont passés par cette étape». S'attardant sur les principaux acteurs impliqués dans la fraude fiscale, Mme Joly a pointé du doigt certains hauts dirigeants politiques, quelques hommes d'affaires et des firmes internationales dont les filiales éparpillées dans plusieurs régions du monde exercent sous d'autres pseudonymes. Focalisant son intervention sur l'endettement de la Tunisie, la juge et députée européenne connue pour sa lutte contre la corruption, a vivement recommandé l'engagement d'un audit pour déterminer les dettes odieuses que la Tunisie ne doit pas rembourser. L'on entend par dettes odieuses, selon elle, les emprunts souscrits au profit du dictateur déchu et non pas dans l'intérêt du peuple tunisien. De ce point de vue, elle s'est référée à l'expérience de l'Islande qu'elle considère comme exemplaire. «L'Islande, un petit pays de 320.000 habitants et de 9 milliards de dollars de PIB s'est réveillée un jour sur un endettement de 100 milliards de dollars. Compte tenu d'une grave crise économique, les instances financières internationales ont demandé à l'Islande d'assumer la dette des filiales des banques islandaises en Angleterre et aux Pays-Bas, estimée à 6 milliards de dollars, soit trois quarts du PIB du pays. C'est que le Fonds monétaire international (FMI), la Banque Mondiale (BM) et la Commission européenne ont exigé de ce pays qui s'est trouvé incapable de payer ses fonctionnaires suite à la chute de 60% de sa monnaie, de transformer la dette privée en dette publique en contrepartie d'un prêt de 10 milliards de dollars. Subissant une grande pression, le président de la République islandais a soumis l'accord établi avec les pays concernés à un référendum qui a été rejeté par 95% de son peuple». Dans la même optique, la magistrate a fait remarquer que suite à une révision de l'accord établi avec l'Angleterre, les Pays-Bas et l'Union européenne, le gouvernement islandais a procédé à l'organisation d'un deuxième référendum qui a été également rejeté. Ce qui a poussé les trois parties adverses à porter plainte contre l'Islande devant un tribunal spécialisé. Mais, ce dernier a rejeté leur requête notant que l'Islande n'est pas obligée, conformément aux lois y afférentes, de transformer la dette privée en dette publique. La magistrate a ainsi noté que l'Islande est aujourd'hui le seul pays qui n'a pas transformé la dette privée en une dette publique, exhortant la Tunisie à procéder de la même manière pour ce qui est des prêts souscrits par le président déchu et les membres de l'ancien régime.