Par Abdelhamid GMATI Les déclarations du général Rachid Ammar, annonçant sa retraite, ont jeté un pavé dans la mare. Le tableau qu'il a dressé de la situation en Tunisie préoccupe une grande partie des Tunisiens qui l'estiment à 61% (selon un sondage) alarmant. C'est que les Tunisiens sont inquiets principalement de la situation sécuritaire. Du temps de la dictature, on parlait d'une dérive sécuritaire où l'oppression, venant des institutions étatiques, s'exerçait principalement contre les opposants politiques et tous ceux qui osaient avoir des opinions contradictoires. Depuis plus d'une année, la violence, sous toutes ses formes, s'est installée, généralement dans l'impunité. Et elle n'est pas le fait de l'Etat mais de milices, proches de partis au pouvoir, qui se sont auto proclamées ligues de protection de la révolution. Leur dernier méfait remonte à jeudi dernier lorsque, devant le siège de l'Assemblée constituante, leurs membres ont agressé, verbalement et physiquement, un certain nombre de journalistes qui ne faisaient qu'exercer leur fonction d'informer. Agression qui a été condamnée par le ministère de l'Intérieur, par le président de l'Assemblée et par tous les journalistes. On a annoncé qu'une enquête sera menée pour identifier les agresseurs. Mais on ne se fait pas d'illusions, des enquêtes semblables sur l'assassinat de Chokri Belaïd, sur le meurtre du leader politique à Tataouine, sur l'attaque de l'Ambassade américaine, sur la violence devant le siège de l'Ugtt, sur les événements de Siliana et d'autres sont restées lettre morte jusqu'à présent. En une année (mai 2012-mai 2013), 196 journalistes, hommes et femmes, ont été agressés, verbalement et physiquement, et leur matériel endommagé. Impunément. Le tout dans le but délibéré d'entraver la liberté d'expression et de contrôler les médias. Ces milices œuvrant sous couvert de salafistes et de LPR s'en donnent à cœur joie puisqu'elles jouissent de l'impunité et d'une liberté d'oppression. Elles bénéficient de la protection du pouvoir et de la troïka et de la mansuétude de la justice. Une justice qui s'avère aux ordres de l'exécutif, prompte à condamner lourdement des opinions, des manifestants pacifiques mais indulgente quand il s'agit des milices pourtant violentes. Il est significatif qu'on ait rapidement et lourdement condamné un rappeur pour une chanson et qu'on renvoie indéfiniment le procès d'un leader de la LPR du Kram, accusé avec d'autres complices d'avoir incendié un poste de police. Cette liberté d'oppression s'exerce aussi à l'ANC. Là, les députés, supposés proposer une Constitution, s'activent à adopter des lois répressives et d'exclusion. Fort de leur majorité relative, les trois partis au pouvoir façonnent les pays, éliminent leurs adversaires, s'octroient des primes et des avantages, prolongent indéfiniment et illégalement leur mandat et se complaisent dans leurs fauteuils. Cette Assemblée qui a représenté, un moment, les espoirs de la révolution pour instaurer une démocratie, a perdu la confiance populaire. Mais, semble-t–il, elle n'en a cure et fait ce que bon lui semble, œuvrant pour l'instauration d'une dictature islamiste. On comprend alors que des mouvements de résistance se manifestent. Comme ce nouveau mouvement «Tamarrod» qui se présente comme apolitique et qui, à l'instar de ce qui se passe en Egypte, manifestera aujourd'hui au Bardo et veut réunir des milliers de signatures pour faire chuter l'ANC.