Par Khaled TEBOURBI D'abord surpris, puis réjouis d'entendre nos confrères d'Europe et d'Amérique condamner le raid israélien sur la flotille de la paix. On croyait rêver. Sur le plateau de «Canal», l'autre soir, même l'ambassadeur d'Israël à Paris faisait profil bas, alors que Dominique de Villepin criait haut et fort son exaspération. Evidemment, on a vite déchanté. Comme à chaque fois. Comme toujours. Ces haussements de ton, ne nous leurrons pas trop, confinent à la mise en scène. Ils préparent méthodiquement la suite, c'est-à-dire la contre-propagande: les froids et subtils retournements. Simple cette contre-propagande, reposant en tout état de cause sur deux «justifications» présentées comme «incontournables», «imparables», «immuables». La première, assortie de poursuites judiciaires, est que toute critique faite à Israël est ipso facto entachée d'antisémitisme La seconde, sorte de «panacée universelle», est que toute guerre engagée par Tsahal, même si la cible est une population civile, même s'il s'agit de cargaisons humanitaires est, par principe, menée pour la sécurité de l'Etat hébreu et contre le terrorisme islamiste. On dit qu'on déchante : on n'extrapole rien. Quand les médias occidentaux sont, à l'instar de ce raid sur la flotille, un peu débordés par l'événement, leur première réaction est généralement de s'en tenir aux faits, de ne pas se «dérober» pour faire figure de «pros». Derrière, néanmoins, il y a une machine qui s'abranle, il y a des lobbies, des chancelleries, et un nouvel ordre mondial («moral»?) qui veille à ce que les choses restent en l'état. La consigne? Absorber, en un rien de temps, la mauvaise impression première. Puis, petit à petit, sans paraître y faire, à l'usure, ramener au premier plan de l'info les sempiternelles «explications». Il y a un fond de compassion, scrupuleusement entretenu dans le cinéma et le journalisme européen et américain, envers les victimes de la Shoah. La Shoah est une réalité historique incontestable. Et à ses victimes, nous devons tous respect et mémoire. C'est ce fond-là, néanmoins, que nos collègues du Nord exploitent à l'envi et au besoin pour innocenter Israël, l'occupant, et jeter l'opprobre sur la Palestine, spoliée. En janvier 2009, Tsahal bombardait femmes, enfants et vieillards à Gaza. Commentaire de la presse occidentale, deux ou trois jours après le début du massacre : «C'est le Hamas qui utilise les Gazaouis comme boucliers humains» (sic!). Mercredi, une seule et unique dépêche d'agence américaine dominait les informations : «Les humanitaires de la flotille de la paix sont financés par des organisations classées terroristes…» (!?). Voilà comment on garde la main sur l'opinion mondiale. Fût-ce au détriment de la justice élémentaire. Voilà comment on préserve son apparence «humaniste et démocratique», en enrobant d'un flou insidieux les incuries et les barbaries. Deux vérités crues Se mêle-t-on de géopolitique? Non, bien sûr, encore que sur ce chapitre s'étirant à l'infini, de la Palestine et des Palestiniens, les jeux semblent, hélas, définitivement faits. Ce que nous voulons, en revanche, c'est rappeler, à l'occasion, à deux vérités crues de la presse occidentale. Un : cette presse soutient inconditionnellement, par crainte, avec habileté ou aplomb, le principe sacro-saint de «l'impunité historique» d'Israël. Deux : cette presse donneuse de leçons ne dupera plus personne tant qu'elle persistera, ouvertement, usant de détours ou de «métier», à défendre systématiquement les intérêts du Nord contre le Sud. Simplement dit : les riches contre les pauvres. A méditer Voici, pour finir, ce que disent les futurologues à propos de «Où va le monde». D'abord, que 80% des richesses de la planète profitent seulement à 20% de ses habitants. Si cette statistique n'est pas éradiquée, du moins corrigée, «nous allons tous contre le mur». Ceux qui ont faim ne peuvent indéfiniment regarder sans réagir les autres «s'empiffrer à souhait». Ensuite, que vers 2090, toutes les sources du pétrole seront taries. Quelle importance stratégique aura alors l'Etat d'Israël implanté au cœur du Moyen-Orient? A méditer.