Les magistrats choisissent aujourd'hui les membres de l'Instance de l'ordre judiciaire sur fond de divisions entre le SMT et l'AMT Les magistrats tunisiens vivront, aujourd'hui, une journée particulière. En effet, pour la première fois dans l'histoire de la justice tunisienne, ils auront à choisir, librement et démocratiquement, les membres de l'instance qui assumera la charge de gérer le secteur de la magistrature aux plans du mouvement des mutations, des nouveaux recrutements, des promotions et des sanctions à caractère disciplinaire. Le siège du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle (ex-Chambre des conseillers située au Bardo) abrite tout au long de la journée l'opération électorale de l'Instance de l'ordre judiciaire tant attendue et sous la supervision de la commission parlementaire indépendante de l'élection en question présidée par le constituant Mohamed Gahbiche (bloc démocratique). Sur les 84 candidatures représentant les magistrats (3 degrés), les enseignants universitaires et avocats devant siéger au sein de la prochaine instance de l'ordre judiciaire, seuls 61 candidats ont été retenus définitivement et aspireront donc à la confiance des magistrats-électeurs dont le nombre est estimé à plus de 1.000. Une lecture détaillée des candidats retenus effectuée par l'Observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature (Otim) dirigé par le magistrat Ahmed Rahmouni montre que les candidatures ayant reçu l'aval de la commission d'organisation des élections se répartissent comme suit : 18 magistrats de premier degré, 22 magistrats de 2e degré et 14 magistrats de 3e degré. Quant aux enseignants universitaires en droit, ils sont au nombre de sept. Enseignement universitaire D'autre part, l'Otim relève que les magistrats candidats (tous degrés confondus) seront au nombre de 18, alors qu'il y aura deux candidats seulement assurant le cumul entre l'enseignement universitaire et l'exercice de la profession d'avocat. Il s'agit de Me Sami Jerbi et de Me Mourad Kenani qui sont assurés bien avant le déroulement des élections de figurer au sein de la future instance puisque la loi portant création de cette instance stipule la présence obligatoire de deux membres représentant les enseignants universitaires exerçant en parallèle le métier d'avocat. Le rapport de l'Observatoire revient également sur les causes du rejet de certaines candidatures. Ainsi, l'on apprend que 15 dossiers ont été déclarés irrecevables dans la mesure où leurs titulaires n'ont pas respecté la procédure relative à «la rédaction à la main d'une déclaration sur l'honneur par le candidat», conformément à l'un des articles de la loi organique sur l'Instance de l'ordre judiciaire. D'autres candidats ont oublié de signer leurs demandes ou ont ignoré d'y joindre une copie de leurs cartes d'identité nationale. Les enseignants universitaires dont la candidature a été rejetée n'ont pas fourni de copies des décisions de leur recrutement au sein de l'université, ce qui rend impossible l'établissement de leur ancienneté. SMT-AMT : le conflit persiste Sur un autre plan, le conflit entre le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) présidé par la magistrate Raoudha Laâbidi et l'Association des magistrats tunisiens (AMT) présidée par Kalthoum Kennou persiste toujours quant à l'indépendance effective de la future instance et sa capacité à répondre réellement aux attentes des magistrats. Le SMT campe encore sur ses positions initiales, estimant que la présence d'enseignants universitaires et d'avocats au sein de l'Instance est inadmissible et appelle à boycotter l'opération électorale bien que certains parmi les membres de ce même syndicat aient présenté leur candidature à l'élection d'aujourd'hui. De son côté, l'AMT adopte une position plus conciliante en soulignant que la création de l'Instance est un pas positif et qu'en définitive, elle est une instance temporaire. L'AMT, croit-on savoir, considère qu'il est important d'éviter que le prochain mouvement des mutations soit décidé par le ministère de la Justice comme ce fut le cas en 2012 quand Noureddine B'hiri, ancien garde des Sceaux, a réveillé le défunt Conseil supérieur de la magistrature pour décider des mutations, des promotions et des recrutements.