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Mouvement de balancier ou «fatalité musulmane»
Islam politique (III)
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 07 - 2013

Chute du premier régime des Frères musulmans en Egypte, enlisement du parti Ennahdha en Tunisie, entre ses dogmes et la règle du jeu démocratique... Une «fatalité musulmane» (dictature / théocratie) ou un nouveau mouvement de balancier dans lequel l'Islam politique consentira à se délester de ses «projets célestes». Après, «Echec ou fin ?» et «Le rêve qui n'a pas fait le printemps», 3e partie de notre dossier.
Après près d'un siècle de rendez-vous manqués avec le pouvoir et quand ils y accèdent enfin en cette année 2012, les islamistes d'Egypte et de Tunisie engagent, au-delà de leurs différences, un seul et même combat : islamiser ce pouvoir avant qu'il ne les sécularise ou leur échappe de nouveau... Il ne peut en être autrement. C'est dans l'ordre implacable de l'islamisme au pouvoir. Les urnes, la démocratie, la légitimité ne seront jamais plus que ce train que l'on prend et voudrait qu'il ne s'arrête plus jamais pour prendre d'autres. Sitôt investi, Mohamed Morsi, président du Parti de la liberté et de la justice, promulgue une déclaration constitutionnelle qui lui confère la possibilité de légiférer par décret et de détenir à la fois pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire.
Précepte 1 : « Garantir » le pouvoir ... à défaut de gouverner
Quatre mois après la victoire de son parti aux élections de l'Assemblée nationale constituante et la formation d'un gouvernement de coalition où celui-ci se taille la majorité, le chef du parti du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, s'inquiétait en coulisses que les rênes du pouvoir continuent à échapper au régime islamiste en construction. Dans une vidéo fuitée qui dépasse en tactique le programme de son parti et les projets des ministres et des constitutionnalistes réunis, il tenait en laisse les chefs des groupes islamistes radicaux en assurant que ni l'armée, ni la police, ni l'administration, ni les médias n'étaient encore «garantis»... Garanti ! Le mot est lâché. Il résume à lui seul le serment de Ghannouchi que le pouvoir ne doit pas tarder à l'être. Désormais, tout ce que les deux ans d'exercice de son parti imprimeront au projet de constitution, aux rouages de l'Etat et aux plis de la société s'inscrira dans le prolongement de cette instruction. Les islamistes d'Ennahdha n'appliqueront pas la charia, ni la gouvernance, ni la finance islamiste. Ils s'attardent sur les préambules, jouent sur les mots, déroulent le texte constitutionnel aux pieds du projet (islamiste), infiltrent l'administration, annexent les associations, soumettent la justice, occupent les mosquées, réécrivent l'histoire, comblent leurs absences, emploient leurs milices, conjuguent la révolution à l'islamisation, l'économie à la charité, la démocratie à la légitimité... Au passage, ils oublient l'essentiel : gouverner; simplement diriger.
En Egypte, pour les mêmes faux pas et d'autres encore, le président des Frères, Mohamed Morsi, est destitué par l'armée, le 3 juillet, au terme d'un an de mandat. Des millions d'Egyptiens ont pétitionné pour son départ et l'ont désavoué dans la rue. Les chefs d'accusation sont multiples et ressemblants : incompétence économique et sociale, népotisme partisan, autoritarisme sectaire, rhétorique d'exclusion. Cela aussi fait partie de l'ordre des choses de l'Islam politique : historiquement un projet de contestation, un vivier de persécution, une image de victimisation, un état d'esprit très peu apprêté à gouverner. D'ailleurs, comment concevoir, sur terre, un système de gouvernance, un programme ordinaire et des stratégies communes quand on prône fondamentalement et exclusivement que «l'Islam est la solution», que « l'Islam a réponse à tout » ?...
Précepte II : « Al Islam Houwa Al Hal » : un système global de gouvernance
«Al Islam Houwa Al-Hal (L'Islam est la solution) est le slogan unique avec lequel les Frères musulmans accompagnent l'émergence de l'Islam politique au lendemain de la défaite arabe du 5 juin 1967. Ce jour-là s'étaient effondrées dans le déshonneur toutes les forces laïques jugées responsables de la déroute militaire et de la faillite d'un système politique. La disparition de la scène politique de ces courants laïques laissait un vide béant dans lequel l'Islam politique n'allait pas tarder à s'engouffrer, sans autre programme que ce slogan», écrit Eric Rouleau, ex-journaliste au quotidien Le Monde, dans son essai « Dans les coulisses du Proche-Orient (1952 – 2012) » où il raconte l'émergence de l'Islam politique. Durant des décennies, ce slogan a permis aux islamistes d'éviter de se prononcer sur les questions vitales et les problèmes ici-bas, encore moins que de s'y confronter ou s'y former. Se croyant dotés de la solution divine suprême, ils sont partis dans une quête de pouvoir abstraite et déconnectée de la nature des responsabilités qui s'ensuivent. Arrivés au pouvoir, ils ne pourront plus esquiver les situations économiques et sociales dégradées qui caractérisent le paysage post-révolutionnaire et dont témoignent les grèves et les contestations. En Tunisie, comme en Egypte, les Frères musulmans et les islamistes du parti Ennahdha n'ont sur le terrain d'autre solution à proposer qu'un libéralisme économique en rien révolutionnaire, en rien islamique, en rien juste ou équitable, en rien différent de celui des dictatures déchues et de l'Occident critiqué... Quelques mois après leur accès au pouvoir, ils signent l'accord de prêt du Fonds monétaire international (FMI). Le mot d'ordre islamiste « l'Islam a réponse à tout » vient de perdre en crédibilité, en même temps que le projet de l'Islam politique dont il est le slogan majeur. « Il constitue un système global de gouvernance et personne n'y croit comme solution politique et économique », nous apprend Olivier Roy, auteur du livre « L'Echec de l'islam politique ». « L'Islam politique comme idée que le Coran est la solution aux problèmes politiques, cela ne marche pas. C'est un échec. Echec inscrit dans le concept même et qui se révèle dans la pratique du pouvoir. C'est ce qu'ils viennent d'expérimenter... », explique-t-il dans une récente interview. Le chercheur égyptien Alaa Al-Dine Arafat constate quant à lui que « les Frères musulmans sont pris au piège du pluralisme ». Scissions internes, multiplication des groupes et des partis, épuisement de l'autorité absolu du Mourchid, leurs stratégies peinent à répondre aux préceptes de l'Islam et s'improvisent ou se bloquent en fonction des rapports de force, des intérêts nationaux et des équilibres régionaux.
Jamais sans le Qatar...
Sur le plan géostratégique, la vision — hier encore si nette dans l'esprit des islamistes tunisiens et égyptiens — d'une grande alliance de l'islam sunnite regroupant les émirs du Golfe et les mouvances islamistes afin d'imposer un ordre religieux rigoureux et de faire appliquer la charia, de contrecarrer l'Iran, de faire tomber le régime alaouite en Syrie... commence à s'estomper. La référence à une vision conservatrice commune de l'Islam a-t-elle d'ailleurs jamais dépassé les considérations politiques, les rivalités diplomatiques, les intérêts économiques et géostratégiques, les différends nationaux et les divergences de stratégies ?... Au pouvoir depuis dix ans, le régime islamo-conservateur turc vient de faire face à une vague de protestation sans précédent. Le régime fondamentaliste iranien se maintient face au solide mouvement vert moyennant l'élection d'un nouveau président connu pour son ouverture sur l'Occident et ses positions sur le dossier du nucléaire. Faute de se solder comme prévu par le départ de Bachar et une victoire tranchée des jihadistes qui changerait radicalement la configuration de la région, la guerre en Syrie tourne au conflit interconfessionnel.
Du côté de l'image, le principal média de l'islamisme, la chaîne Al-Jazeera, perd mondialement sa crédibilité et son aura. Le financier des Frères et de leurs filiales arabes en Syrie, à Gaza et ailleurs, l'Emirat du Qatar, change d'Emir. L'ami des Frères cède le trône à son fils qui, devancé seulement par l'Arabie Saoudite, aura été le premier à féliciter les nouveaux dirigeants de l'Egypte de l'après Morsi. L'Islam politique saura-t-il faire face à tous ces bouleversements ?
D'une dictature l'autre... Comment briser « la fatalité musulmane » ?
Matrice du projet islamiste mondial, les Frères musulmans en Egypte viennent de perdre une bataille essentielle, celle du premier règne démocratique qu'ils ont eu à assurer. L'impact est grand en Tunisie, le message est clair pour le parti Ennahda au pouvoir après l'expiration des délais consensuels de la légitimité de l'ANC et sur fond d'une grogne également nommée « Tamarrod ». Mais en Tunisie, l'armée n'est pas une force politique, elle n'interviendra pas, ni ne jouera un rôle d'arbitre. « Confrontés aux réalités, les islamistes ont désormais deux possibilités. Soit devenir des pragmatiques, ce qu'ont fait les Turcs dans un contexte un peu différent, soit s'enfermer dans leur système de pensée sans pouvoir réaliser quoi que ce soit. Donc c'est un échec. Les manifestations en Egypte étaient contre cet échec. » L'auteur de « L'Echec de l'Islam politique », écrit il y a 20 ans, est d'autant plus confiant qu'il constate déjà que dans les rangs des islamistes, beaucoup pensent qu'il faudrait faire une autocritique, tirer les leçons de cet échec. « Bien sûr, la hiérarchie s'est mise dans cette position de victime, mais il y a beaucoup d'intellectuels et de jeunes militants qui pensent que la confrérie ne peut plus faire amende honorable, mais se réformer. Je crois que sur le moyen terme, il va y avoir une réflexion à l'intérieur du mouvement islamiste... Je crois que le mouvement de transformation des islamistes est enclenché».
Son optimisme ne fait pas taire nos interrogations : peut-on évaluer l'expérience de l'Islam politique à l'aune des systèmes politiques ordinaires ? Peut-on dire d'une campagne électorale qu'elle est transparente quand elle se fait dans les mosquées, et se monnaie en empruntant la voie de la charité et la solidarité islamiques ? Peut-on dire d'élections qu'elles sont démocratiques et libres quand elles confrontent les partis des hommes au parti de Dieu ?... Quelle place et quel rôle à venir pour les salafistes et autres groupes radicaux qui ont su récupérer les frustrations sociales ?...
Chronologie


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