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Sacrés hypocorismes !
Fleurs de rhétorique
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 06 - 2010


Par le Pr Nebil RADHOUANE
Il est une manière de s'attendrir qui imite le langage des enfants. Est-ce seulement parce que l'enfance est le lieu privilégié de l'affection, des cajoleries et des mots caressants? Non, c'est aussi parce que le génie de la langue sait bien choisir les systèmes de signes qui conviennent le mieux à la nature des discours, des contextes et des énonciations.
Les termes affectueux, que nous utilisons tous plus ou moins fréquemment, calquent sur le modèle du babil enfantin. Le langage adulte est-il donc si anarchique et si brouillon pour recourir à la confusion attendrissante du jasis et du gazouillis ? L'affection « affectionne-t-elle » le retour à cet en-deçà du langage, à ces formes d'expressions encore à l'état de balbutiement‑? Oui, mais qu'on ne s'y trompe pas, car le langage enfantin, y compris la simple lallation que le bébé accompagne souvent de gestes rythmés et ponctués, se constitue en système structuré, cohérent et parfaitement descriptible d'un point de vue phonétique et même morphologique. Depuis le vagissement jusqu'à la parole proprement dite, l'enfant soumet ses vocables à des règles précises qui vont se révéler à l'origine de figures phoniques connues des linguistes et des rhétoriciens. Ce sont des procédés que le groupe Mu appelait les «métaplasmes», c'est-à-dire les différentes opérations phonétiques (plastiques) qui peuvent modifier le signifiant, comme les troncations de syllabes, les contractions, les contrepèteries, les anagrammes, les diérèses, les synérèses, les élisions, les redoublements, etc.
En prononçant ces expressions affectueuses, l'adulte ne reproduit pas seulement les formes lexicales utilisées par l'enfant : il leur imprime aussi l'intonation qui sied.
Parfois même les défauts de prononciation zézayante et de blésement propres aux bébés : «Papa va zouer avec ses zolis poussins!».
Quand ils sont adressés aux adultes, ces marqueurs d'affect, appelés en stylistique des «hypocorismes» ou «expressions hypocoristiques», concernent d'abord les noms propres, conformément à la racine grecque hupocorizein qui signifie, justement, «nommer par des petits mots caressants». L'on comprend alors pourquoi les gens préfèrent appeler leurs familiers par des diminutifs. Mais l'on est d'autant plus surpris lorsque, en scrutant ces mêmes diminutifs dans l'intimité du détail, on découvre qu'ils sont formés suivant des règles morphologiques rigoureuses. La plupart adoptent la suffixation allant dans le sens de la miniature (tout ce qui est menu est «mignon» et donc attendrissant, et l'on dit même, par hypocorisme, plutôt «mignonette» que «mignonne» !). Tout comme les Français ont inventé Pierrot pour Pierre et Jeannette pour Jeanne, les Tunisiens diront «Addoula» pour «Adel» et «Ammoula» pour «Amel». Notons cependant que les suffixes diminutifs ne sont pas toujours affectueux. Certains sont parfois dépréciatifs (ou minoratifs), comme lorsqu'on dit, dans certains contextes ironiques, «blondinet» pour «blond» ou «bellâtre» pour «beau».
Le diminutif d'affection procède aussi d'autres opérations morphologiques, comme l'aphérèse (suppression de la première syllabe ou plus) : Toinette au lieu d'Antoinette ou, chez nous, Daly pour Mohamed Ali. Il peut venir d'une apocope (troncation de la dernière syllabe ou plus): Steph pour Stéphane, et Alex pour Alexandre.
L'opération la plus fréquente est, cependant, la gémination, laquelle consiste à répéter généralement la première syllabe du nom propre. Si ce redoublement est le plus fréquent dans les hypocorismes, c'est sans doute parce qu'il s'apparente le mieux au babil enfantin : Momo (pour Mohamed), Cloclo (pour Claude), Cricri (Pour Christophe), Jojo (pour Joseph). Ces diminutifs sont si productifs qu'il s'en invente tous les jours, avec des infléchissements libres du timbre syllabique, comme dans «Zizou» où la deuxième voyelle est différente de la première. Et, toujours à propos des sobriquets affectueux dans les milieux sportifs, celui de «Jaja», fut donné au coureur cycliste Laurent Jalabert, non pas à partir de son prénom mais à partir de son nom de famille. Idem de «Bébel», pour Jean-Paul Belmondo.
Ce sont là des redoublements qui évoquent les «mémé», les «mémères», les «pépés» et les «pépères» dans le langage des enfants. Cela rappelle aussi les «tata» et les «tontons», les «doudouces» et les «nounours». Un pas est allégrement franchi, et nous voilà partis pour des hypocorismes aussi rebattus que «chouchou» et «bibi» (signifiant affectueusement «moi», tandis que pour «toi» on réserve la gémination hostile «coco»!).
Lorsque le sens diminutif n'est pas présent dans la formation même du mot affectueux, comme dans «frérot», «sœurette» ou «fiston», ce sont des morphèmes externes qui viennent accompagner ce dernier pour exprimer le sens de la miniature : mon petit, mon «petit» chou, mon «petit» lapin, ma «petite» biche, quand ce n'est pas, par gémination encore, ma «bibiche»! Remarquons que le terme employé n'est pas toujours propre et que l'hypocorisme peut recourir à la métaphore animalière (poussin, lapin, biquet, biche, chat, poule, matou, poisson, colombe, etc.).
De plus, les hypocorismes s'emploient souvent avec le possessif «mon, ma», ce qui donne plus d'intimité à l'expression. Parfois, l'affection hypocoristique est tellement accentuée qu'elle adopte l'antiphrase. Le terme employé est alors faussement injurieux : mon salaud, mon nigaud, ce bon petit diable, ce satané Maradona, ce sacré Messi, etc. Là, il me revient un titre employé affectueusement dans le journal Le Monde par Claude Sarraute, au milieu des années 80 à propos du septième président de la République italienne, Sandro Pertini : «Impertinent Pertini» (avec le luxe d'une paronomase et d'une remotivation lexicale du nom propre) !
Mais l'hypocorisme a-t-il sa place dans le genre oratoire et l'argumentation ? Non si l'on en croit Durpriez qui avoue, à propos de la gémination : «Il n'est guère utile de l'envisager en rhétorique» (Gradus, Les procédés littéraires, Paris, Union Générale d'Edition, 1984, p. 217). Oui, si l'on considère que certains marqueurs d'affect mobilisés par l'orateur et s'inscrivant dans ce qu'il est convenu d'appeler la captatio benevolentiae, sont des hypocorismes. Pour s'assurer l'adhésion de l'auditoire, l'orateur emploie en effet certains appuis du discours que l'on appelle des alliciants. Ce sont des expressions qui agrémentent le discours et l'édulcorent : «mes chers amis, cher auditoire, mes frères»… L'adhésion souhaitée est d'emblée assurée par des alliciants d'acquiescement et d'approbation : «parfaitement, absolument, excellent, très bien, eh bien oui»…
Dans ce cas, les mots d'affection ou de sympathie prononcés par l'orateur sont des mots de l'éthos, lequel est en principe un argument muet, une attitude et une connotation.


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