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Le sang de Monsieur Abdelfattah Mourou
La chronique de Youssef SEDDIK
Publié dans Le Temps le 11 - 08 - 2012

Une heure avant la rupture du jeûne, le hall de cet hôtel ultra-chic de Kairouan avait l'air d'un espace de liesse.
L'organisateur du colloque “ Disponibilité de l'islam “ (Samahet al-islam), M. Abdeljelil Dhairi, président-fondateur de l'Association Réseau-Tunisie pour les Droits, la Liberté et la Dignité, a eu même l'excellente idée de se faire accompagner de son épouse et surtout de sa jolie petite nymphe de fille au doux nom de Rafif (Caresse de Vent, 3 ans). Le personnel de l'hôtel ainsi que les invités déjà arrivés se chuchotaient la question en regardant l'entrée du bâtiment grand'ouverte sur l'enfer de la ville noyée dans le flamboiement d'un jour de simoun. “Le Cheikh n'est pas encore arrivé ? “... C'est que nous étions à une heure de l'appel à la prière d'un crépuscule qui ne semble pas vouloir tomber sur les murs et les toits brûlants. L'homme envahit le hall l'aire vaste de la réception comme un gros enfant comme en lévitation dans son impeccable djebba brodée d'arabesques ton sur ton, le bon mot prodigué à tous, et le salon de l'hôtel a été comme redoublé en vasteté et lumière.
Abdelfattah Mourou a salué, bonhomme et simple, rétablissant comme par magie le rythme ordinaire de l'hôtel en s'arrangeant, comme s'il avait été toujours là, dans la grande étendue du salon. Le directeur de l'établissement est venu saluer le nouvel arrivant assis parmi nous, les orateurs du Colloque déjà sur place. En attendant, la direction de l'hôtel propose au Cheikh Mourou une suite super climatisée et plus confortable.
Là-bas, nous avons parlé de tout, le “ diable “ de ténor islamiste, le professeur de philosophie Hicham Messaoudi et moi. De tout, de la palabre sans conséquence qui sortait d'incontrôlables éclats de rire, aux propos les plus sérieux sur la Nahdha dont Mourou, ne l'oublions, est l'un des fondateurs en passant par l'exposé des philosophes que nous tentions d'être, M. Messaoudi et moi-même face à l'écoute attentive et aimablement curieuse de ce grand gamin... Jamais je n'ai eu devant moi un islamiste, tunisien ou pas aussi disponible à entendre le discours philosophique détaché de (et souvent opposé à... ) sa religiosité de principe et de passion !
La rupture du jeûne (toute “formelle “ puisque Maître Mourou n'observait pas la prescription du fait de son diabète) s'est déroulée dans l'enfantine jovialité d'un pique-nique de luxe, entre le buffet gourmand préparé par l'hôtel et la table de huit que nous avons colonisé pour nous trois, toujours aussi hilares que d'incorrigibles cancres chahuteurs.
Et soudain, le drame qui allait nous remettre à l'amère réalité de ce temps dur et moche que vit ce pays qui est le nôtre. Les quatre communications du Colloque sur “ La disponibilité de l'islam “ ont été données dans la quasi sérénité dune ambiance de classe de lycée. Quelques chuchotements , de lâches interruptions de mauvais élèves, rapidement maîtrisés.
Dès l'annonce de l'ouverture de la séance du débat, une bourrasque de folie a fait basculer la lisse atmosphère en un cauchemar sans nom. Pour moi, tout d'abord, naïf vieux prof à l'ancienne qui n'avait deviné au début et jusqu'au cataclysme, que des regards d'enfants fascinés par le savoir reçu et n'exprimaient, devinais-je encore, que de la gratitude pour leurs aînées, si divers pourtant... Une meute de voyous m'ont entouré, qui voulait soulever le siège sur lequel j'étais assis à la tribune, qui exigeait que je quitte l'hôtel, la ville et le pays pour finir, le tout dans la même requête et dans une phrase sans ponctuation, qui enfin brandissant un grosse coupe à pied pour m'en arroser le visage et la poitrine... Sorti de premier émoi, j'ai posé la question, calmement, à celui qui voulait m'envoyer en exil forcé : “ Et pourquoi voulez-vous que je quitte mon pays, mon petit ( Oulidi) “. Ma calme tendresse dans un ton en absolu contraste avec la charge d'agressivité qui se dégageait de la petite foule autour de ma maigre personne a dû porter à merveille ses fruits, puisque le jeune homme m'a répondu presque aussi tendrement : “ Parce que vous avez trop travaillé avec Ben Ali !... “ La célérité des échanges et des séquences étaient dignes d'un film en défilement d'images accélérées : j'ai brandi ma carte de séjour en France et failli la coller sur le front de mon interlocuteur : “J'ai quitté la Tunisie en 82,. Regardez, mais regardez donc !".
L'énergumène s'en est saisi, obéissant et comme hypnotisé. ET il a dû lire, puisqu'il m'a rendu la carte et m'a lancé sans la moindre transition : “ Vous devez vous en aller parce que vous avez offensé Seyyda (Dame) ‘Icha... “ Il a, contrairement à tous les usages, prononcé le prénom de l'épouse préférée du prophète, selon le dialecte rural tunisien! “ Mais, c'est tout à fait le contraire, j'ai même publiquement sur les ondes d'une radio... Trop tard, ce mensonge à mes dépens a été si vilainement entretenu par des islamistes de mauvaise... foi à la vie bien dure. La bande s'est sentie engloutie dans le désordre et la confusion. Derrière moi cette fois, la voix de l'un des meneurs me demande de prendre un nouveau micro (les deux dont j'ai disposé pour ma conférence tout à l'heure ont été débranchés !) pour, m'a-t-il conseille à haute voix gonflé par ledit micro de proclamer la profession de foi du musulman afin que je sois “ affranchi “ et présenter des excuses à “ Sainte “ Aïcha. Devant ces fous, j'ai décidé de prendre la seule camisole de force qui apaise le forcené sans lui porter violence : aller dans son sens et entrer dans son délire, tel un cheval de Troie, pour mieux le tenir. J'ai pris le micro de la main de ce dingue et déclaré à l'adresse de la salle que j'allais enfin déclarer mon entrée en islam et présenter de plates excuses à Seyyda Aïcha, illustre compagne de notre prophète.
C'était compter sans prévoir l'intervention d'un autre thérapeute, un chirurgien habile et audacieux qui a préféré inciser dans le corps de l'événement et sectionner, à la base, le mal !
Abdelfattah Mourou dont le micro est resté en fonction, de sa voix de héros d'opéra a lancé : “ Pas question ! M. seddik n'a pas à s'excuser pour une faute qu'il n'a pas commise ! Je jure par le Tout-puissant que dans une confrontation entre un autre intellectuel et moi devant le micro d'une certaine radio, il a pris la parole de l'extérieur pour défendre l'épouse du prophète..."
Personne, absolument personne ne pouvait deviner ou prévoir la catastrophe qui allait advenir. Un jeune homme en debout en face du Cheikh lui jette un “ Tu ments !" que nul, même parmi ses pires ennemis et les plus débiles d'entre eux, ne saurait imaginer s'adressant à cet homme.
-- “Sois poli, mon enfant ! Ne vois-tu que j'ai l'âge de ton père ? “
Juste cette réplique “ blanche , dite sur un ton affectueux, n'évoquant ni le rang de M. Mourou, ni sa qualité d'hôte de la ville...
Le projectile, un gros verre est parti à bout portant en plein visage sitôt recouvert de sang.
Le sang d'une blessure que je ne pardonnerai pas à ce salaud d'agresseur puisque, au-delà des cinq points de suture elle continuera à saigner en moi comme la plaie d'une Tunisie qui pleure...


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