Une soirée hommage, riche, peut-être un peu trop (trois heures !), où il aurait sans doute fallu faire un choix, mais l'émotion de Zied et l'envie de trop bien faire l'ont fait repousser les barrières du temps et oublier de doser. Elève de Khémais Tarnane, Tahar Gharsa est né en 1933. Il nous quitte après une belle carrière en 2003. Zied, qui prend le flambeau, lui rend hommage à l'occasion du 10e anniversaire de sa mort, sur la scène de Carthage où une projection de photos, avant le spectacle, retrace les meilleurs moments de sa carrière avant l'arrivée de la troupe. Mourad Sakli, directeur du festival, a tenu à consacrer cette soirée à un homme pour qui il a toujours eu beaucoup de respect. La palme à Dorsaf La tenue de rigueur sur scène de la vingtaine de musiciens est la jebba blanche, chère au défunt. Après un prélude musical, et un «istikhbar» au luth de Zied, la chorale, formée de trois garçons et de trois filles, nous met l'eau à la bouche avec «abcher bil hana ya qalbi», un morceau de malouf, avant que Dorsaf Hemdani, habillée d'un caftan rouge orné d'or, ne vienne mettre de la couleur sur scène. Elle attaque avec «Osbor wetmen hatta ifarrajha errahmen», une des compositions de Tahar Gharsa pour continuer avec un morceau succulent de malouf au tempo rapide. Elle enchaîne avec la fameuse «kahlet lahdheb» que le public reçoit chaudement, puis une série de chansons où il joue la chorale : «achiri lawel», «azaiez galbek massabni» et termine par du malouf. Après quelques morceaux de Tahar Gharsa, pas vraiment connus du public, Zied reçoit Moncef Abla qui offre une chanson hommage aux «deux Gharsa» : «elli khalla khlifa ma ikoulouchi met !» (qui laisse une relève n'est pas mort) et «deya minnek ya dedéya » composée par le défunt. Nadhir Baoueb Lui succède un jeune garçon dont le nom est à retenir : Nadhir Baoueb, qui ne semble pas avoir froid aux yeux, puisqu'il attaque avec un morceau de tourath âtik (répertoire classique) de Saliha : freg ghzeli. Il enchaîne avec la fameuse Meguiès et se dandine debout pour le plaisir d'un public assoiffé de nouvelles voix. L'enfant est doué pour le chant et pour la scène et on lui prédit un bel avenir. Nous ajouterons que le pic de croissance déterminera si la voix de cet enfant gardera son timbre et sa beauté ou si les hormones de la puberté la transformeront comme cela a été le cas de «attifl (l'enfant) Mabrouk», aujourd'hui à la retraite qui chanta la fameuse itawel ômrek yam'mima ya hnina (longue vie à toi, tendre mère), chanson concoctée, à l'époque, par Mohamed Jamoussi pour cet enfant à la voix d'or, mais qui a dû finir sa carrière à la darbouka ! Voilà un phénomène physiologique imprévisible mais croisons les doigts. Certaines voix peuvent même arriver à être encore plus belles à la puberté (Sonia Mbarek). Zied semble vouloir le prendre en charge, car c'est uniquement avec le travail qu'il pourra apprendre ; aussi faut-il ne pas lui gonfler la tête. Monter sur la scène de Carthage à cet âge n'est pas sans risque ! A suivre donc... Les compagnons de la chanson... Zied, excité au bout de deux heures et demie, ému de rendre un bel hommage à son père, heureux de voir présents des artistes (Bouchnaq, Hajji, Jebali, Dahmani...), en présence du ministre de la Culture, salue les compagnons de son père : Jalloul Osman, Khaled Tébourbi (qui jouait du luth et de la percussion et chantait), Ridha Khouini, le poète éternellement jeune, Mohamed Tahar Fergani, le Cheikh du malouf en Algérie, venu spécialement pour l'occasion, et enfin le sympathique : «Am Gaddour» Jaziri, qui a prouvé ses beaux restes au «qanoun» et... en chantant un vieux tube. Le public qui commence à penser au «s'hour», bien qu'emballé, commence à trouver le temps long surtout à l'arrivée de Cheikh Hamdi Bannani, également venu d'Algérie, qui clot la soirée en chantant au violon tenu à la verticale, comme un «rebab» , accompagné de son fils à la guitare. Une soirée hommage, riche, peut-être un peu trop (trois heures !), où il aurait sans doute fallu faire un choix, mais l'émotion de Zied et l'envie de trop bien faire lui ont fait repousser les barrières du temps et oublier de doser. Il n'a pas beaucoup chanté non plus. Le meilleur hommage à Tahar Gharsa est aussi de prouver qu'il y a de la création dans la musique tunisienne, avec les mêmes exigences de qualité et que le navire continue son bon chemin. Mais on lui pardonnera, car il est le gardien du temple créé par Khémais Tarnène et poursuivi par Am Tahar. Paix à leur âme.