Un groupe de trois personnalités formant l'Instance de médiation indépendante s'est récemment constitué pour entamer une mission de bons offices entre les acteurs politiques en conflit afin de rapprocher les points de vue et baliser le terrain devant la restauration de la confiance. Cette équipe composée du magistrat et militant des droits de l'Homme, Mokhtar Yahiaoui, de l'ancien bâtonnier de l'ordre des avocats et ex-ministre, Abderrazek Kilani, et de l'ancien ministre des Affaires étrangères et diplomate de carrière au sein des Nations Unies, Taoufik Ouannes, réalise que le pays est plus que jamais au bord du gouffre et est passée à l'action il y a 48 heures. Abderrazek Kilani, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse tenue hier à Tunis, s'est montré très optimiste quant à l'avenir, compte tenu de la compréhension et de la disposition des parties contactées à collaborer avec ledit groupe de médiation pour sortir le pays de la crise. Les trois médiateurs comptent, selon le même interlocuteur, sur leur impartialité et leur relation d'amitié avec plusieurs acteurs de la scène politique tunisienne pour la réussite de leur misssion. « Notre plan d'action se veut impartial et garde la même distance par rapport à tous les partis politiques. Nous plaidons, ainsi, pour la préservation de toutes les institutions de l'Etat, y compris l'Assemblée nationale constituante, qui doit poursuivre ses travaux tout en accélérant son rythme ». Le même groupe tente également de trouver des modalités pour la constitution d'un gouvernement capable d'assurer la conduite des affaires du pays jusqu'à la fin de la période transitoire. Le reste des tâches consiste à élaborer une stratégie pour la sécurité du pays et un plan d'action pour lutter contre le terrorisme, à garantir des élections libres et transparentes et à contrôler le financement des partis et des associations et assurer la neutralité des mosquées et de l'administration. L'autre facteur régissant l'action du groupe de médiation dont il est question n'est autre que l'engagement de toutes les parties politiques et sociales à observer une période de trêve allant jusqu'à la fin du processus transitoire et à atténuer les tensions en cessant de chicaner entre eux à travers les médias. En fonction de ces points préétablis, les trois médiateurs ont contacté, dans un premier temps, selon M.Kilani, Ennahdha, Ettakatol, Al-Joumhouri, le CPR, Wafa, le parti de la Liberté et de la Dignité, l'Initiative, le Front destourien et bien d'autres partis qui ont tous manifesté leur disposition à redresser la barre et à se réunir autour de la même table pour trouver un terrain d'entente permettant d'établir le consensus tant recherché. Abondant dans le même sens, l'ancien bâtonnier des avocats s'est félicité de l'ouverture de l'Union générale des travailleurs tunisiens sur toutes les tentatives visant le sauvetage du pays des zones de turbulence où il est encore coincé. « J'adresse mes vifs remerciements au secrétaire général de la Centrale syndicale, Hassine Abassi, qui s'est montré très compréhensif et pertinemment soucieux de l'intérêt supérieur de la patrie, en œuvrant pour le rétablissement de la concorde nationale ». Kilani a encore ajouté que le reste des partis politiques et la Centrale patronale seront contactés dans les jours à venir afin de réunir tout le monde autour de la même table pour concevoir ensemble un plan d'action susceptible de guérir la Tunisie des maux qui la désagrègent de plus en plus. Une médiation et non pas une initiative Prenant la parole, Mokhtar Yahiaoui a insisté sur la nécessité de préserver l'ANC, comme une des institutions légitimes de l'Etat, soulignant que l'on ne peut point bâtir la nouvelle République en l'absence du cadre institutionnel qu'il faut. S'attardant sur les difficultés auxquelles peut faire face le groupe des médiateurs, il a évoqué l'attachement du parti de la majorité au sein de l'ANC à préserver la présidence du gouvernement, au moment où l'opposition exige une destitution du gouvernement de la Troïka et non pas un remaniement ministériel. De son côté, Taoufik Ouannes a insisté sur le fait qu'il s'agit d'une médiation et non pas d'une initiative. Comme il l'entend, la médiation a ses propres règles et vise à créer une nouvelle dynamique de négociation où la discrétion et la lucidité sont des atouts majeurs. « L'objectif, a-t-il fait valoir, est de changer les méthodes d'action et de dialogue, tel était le cas dans l'affaire Bourguiba-de Gaulle ». Tout cela semble, du reste, beau à croire. Mais cela n'empêche de dire qu'une chose est sûre aujourd'hui : toute la classe politique s'est discréditée en prouvant son incapacité à passer du verbe à l'action, donc à faire des concessions. Une classe politique qui se veut également en déficit de crédibilité auprès du peuple après ce qu'elle a montré de soif du pouvoir. Une deuxième chose est sûre : il s'est avéré aujourd'hui que ce qui disjoint les princiapaux acteurs politiques est beaucoup plus important que ce qui peut les réunir. C'est que le projet sociétal et les références idéologiques de chacun, les calculs électoraux, politiques et partisans sont constamment de la partie. La question est, au demeurant, de savoir si l'impartialité des trois médiateurs serait en mesure d'atténuer le hiatus et le fossé qui séparent tout ce beau monde.