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Entre une religion d'Etat et un Etat religieux
Opinions - LE STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME TUNISIENNE


Par Chema BEN CHÂABÈNE
Le statut juridique dont dispose la femme tunisienne aujourd'hui n'est pas le fait du hasard mais le fruit d'une évolution historique qui s'inscrit dans le cadre d'un projet national réformiste entamé depuis la fin du 19e siècle et qui s'est concrétisé après l'indépendance de la Tunisie, avec l'adoption le 13 août 1956 du Code du statut personnel (CSP) que le président Bourguiba, appuyé et précédé par une pensée moderniste, voulait «révolutionnaire», traduisant une nouvelle vision de la famille et des relations familiales qui donne sa vraie place et son plein rôle à la femme en tant qu'acteur de la vie non seulement sociale mais aussi économique et politique.
Cette pensée moderniste a été portée, en effet, par des penseurs et des leaders nationalistes tels que Abdelaziz Thâalbi dans «L'esprit libéral du Coran» et Taher Haddad dans son illustre œuvre «Notre femme dans la charia et la société» et s'inscrit dans le prolongement du courant réformiste déclenché par des penseurs tunisiens éminents dont notamment Ibn Abi Dhiaf, Kheireddine Pacha et Mohamed Snoussi.
Cette volonté politique bourguibiste et pré-bourguibiste était certes l'émanation d'une pensée intellectuelle élitiste mais elle puisait aussi sa légitimité dans la réalité sociale, la femme tunisienne ayant participé activement à la résistance et à la lutte nationale pour l'indépendance de la Tunisie. Cette « exception » nationale trouverait même ses racines dans le particularisme historique de la condition de la femme tunisienne comparée avec celle de la femme dans les autres systèmes arabo-musulmans. Il n'est pas ainsi anodin de constater par exemple que l'épouse tunisienne bénéficiait d'un droit de veto concernant la polygamie de son époux, traduit par les termes du «contrat de mariage kairouanais».
La première Assemblée constituante de la Tunisie, chargée de mettre en place le nouvel appareil d'Etat récemment indépendant et ses institutions qu'on voulait démocratiques, a opté en conséquence, en 1959, pour une consécration constitutionnelle sans équivoque du principe d'égalité.
En matière de statut personnel, cela s'est traduit par la reconnaissance en faveur de la femme de nouveaux droits qui étaient et demeurent encore ignorés par la plupart des législations des pays arabes, voire par certaines législations des pays occidentaux.
Ainsi, la conclusion du contrat de mariage devait dorénavant répondre aux exigences du consentement et de la liberté de choix du partenaire, l'objectif du législateur tunisien étant de mettre fin au droit du «jabr» et à lutter contre la pratique du mariage forcé. En outre, le CSP a aboli la polygamie qu'il sanctionne pénalement, a fixé l'âge minimum du mariage afin de mettre fin au mariage des enfants, a institué le divorce judiciaire à la place de la répudiation unilatérale et a consacré la réparation du préjudice matériel et moral dans les deux cas du divorce pour préjudice et à la demande unilatérale de l'un des époux.
Mais le CSP a connu depuis, en plus de cinquante années de vie, plusieurs révisions, dont notamment celle de 1993, qui traduisit la nécessité d'adaptation du cadre juridique à l'évolution de la situation de la femme et de la structure familiale en son entier.
D'où l'adoption par le législateur tunisien d'une nouvelle approche non plus seulement dans le sens «classique» de la consécration de plus de droits en faveur de la femme, à travers le rééquilibrage des rapports personnels et pécuniaires entre époux, mais aussi dans la nouvelle voie innovatrice de l'instauration à son égard de nouvelles obligations et responsabilités familiales.
En effet, la femme engagée pleinement dans la vie active doit dorénavant contribuer aux charges de la famille. Elle le doit à une sorte de devoir d'entraide entre époux. Cependant, l'époux garde en même temps le rôle du « chef de famille » qui doit subvenir aux besoins de la femme et des enfants, notamment en termes d'obligation alimentaire.
En outre, la mère est dorénavant impliquée, conjointement au père, dans l'autorisation de mariage de leur enfant mineur. Elle participe, aussi, dans la prise en charge d'une partie des obligations de la tutelle de l'enfant. Et, en cas de divorce et dans le cas où la garde de l'enfant est confiée à la mère, celle-ci jouit d'une partie des prérogatives de la tutelle relatives aux voyages de l'enfant, à ses études et à la gestion de ses comptes financiers. Le juge peut en plus lui confier l'ensemble des attributions de la tutelle si le tuteur néglige volontairement ou involontairement ses obligations ou pour toute raison portant préjudice à l'intérêt de l'enfant.
Il y a bien sûr d'autres textes, en dehors du CSP, qui encadrent le statut personnel d'une catégorie particulière des femmes. Tel est, par exemple, le cas de la loi de 1998 relative à l'attribution d'un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue. Cette loi accorde à ces enfants marginalisés le droit d'avoir une identité complète et de bénéficier de droits essentiels afin de leur permettre une intégration sociale plus facile. En effet, l'enfant de filiation inconnue dont la paternité a été prouvée aura droit non seulement au nom patronymique du père mais aussi à la pension alimentaire, à la tutelle et à la garde jusqu'à l'âge de la majorité.
Ces mesures offrent ainsi un cadre juridique permettant de remédier quelque peu à la situation souvent précaire de la mère célibataire et de son enfant naturel. Il est à noter à ce propos qu'il ne convient pas d'interpréter cette loi comme étant un encouragement tacite par les pouvoirs publics à l'union libre, le rôle du législateur étant d'encadrer et de trouver des solutions aux réalités sociales et à leurs conséquences palpables, que ces réalités émanent de faits socialement réprouvables ou non, comme dans le cas évoqué ici des relations hors mariage.
Le législateur a également œuvré dans le sens de l'élargissement du champ d'application du principe d'égalité en faveur de la femme. Par une loi adoptée en 2010, il accorde ainsi la nationalité, sous certaines conditions, à l'enfant tunisien né en dehors du territoire tunisien d'une mère tunisienne et d'un père non tunisien.
Généralement, en faisant un état des lieux des droits de la femme dans la législation tunisienne, on peut dire que le statut personnel de la femme est arrivé aujourd'hui à un stade d'évolution tel qu'on peut légitimement lui reprocher, à certains égards, d'être non plus dans la sphère du non-droit ou de l'inégalité flagrante par rapport à l'homme, cela appartient définitivement — on aimerait bien le croire — à l'histoire, mais plutôt dans la sphère du trop-plein de droits parfois discriminatoires à l'égard de l'homme et particulièrement de l'époux.
Il en est ainsi de la révision du CSP en 2008 qui a institué, en cas de divorce, un droit de maintien dans les lieux au profit de la mère qui a la garde de l'enfant. Si le père est propriétaire de l'habitation, la mère y demeure avec l'enfant. Ce droit de maintien est consacré même lorsque le père n'est que simple locataire puisqu'il est tenu de continuer à louer l'habitation pour y loger la mère divorcée et l'enfant dont elle a la garde.
Là, on peut s'interroger à juste titre sur les causes de disparition, au stade du divorce, du devoir d'entraide, instauré depuis 1993, entre les époux et de l'obligation pour l'épouse de contribuer aux charges de la famille. De tels « égarements » du législateur tunisien ont parfois été relevés et critiqués par la doctrine.
La jurisprudence, à travers son œuvre interprétative, a parfois entériné une certaine approche discriminatoire dans son application de la loi qui a contribué, dans les faits, à privilégier l'épouse. Ainsi, la loi prévoit également la réparation du préjudice moral et matériel dans les deux cas du divorce à la demande unilatérale de l'un des époux ou en raison du préjudice subi par l'une des parties. Mais, en réalité, le juge tunisien n'est pas enclin à répondre aux demandes d'indemnisation formulées à cet égard par l'époux lésé ou délaissé.
Aujourd'hui, on en est là avec le statut juridique de la femme tunisienne. Une législation extraordinairement moderne, garantissant la protection des droits de la femme et œuvrant sans cesse pour la consécration d'une plus grande égalité. Une législation tellement soucieuse de l'amélioration de la condition féminine au point parfois de désavantager injustement l'homme et qui appelle donc urgemment à la réflexion et à la révision pour un rééquilibrage des rapports hommes-femmes, époux-épouses.
Mais, aujourd'hui aussi, il y a eu depuis plus de deux ans le soulèvement populaire du 14 janvier 2011, qualifié médiatiquement de «révolution»; il y a eu aussi les élections de la deuxième Assemblée nationale constituante (ANC) dans l'histoire de la Tunisie, le 23 octobre 2011, avec la victoire du parti Ennahdha et il y aura, nous l'espérons, une nouvelle constitution de la deuxième République qui se fait attendre depuis des mois et qui tarde encore à venir. Cette constitution reflètera les choix essentiels du peuple tunisien sur le plan politique avec un nouveau régime politique et sur le plan social avec un renouveau — continuité ou rupture — du modèle de société.
Où allons-nous nous situer politiquement et socialement ? Et où en seront les droits de la femme tunisienne, sujets depuis le début de la phase transitoire postélectorale de débats passionnés au sein de l'ANC et dans les rangs de la société civile, dans une atmosphère politique maniant l'ambiguïté et les tergiversations et basculant aujourd'hui, après l'assassinat du député Mohamed Brahmi et la mort de huit soldats abattus par un groupe d'hommes armés au mont Châambi, dans la crise, l'incertitude, voire l'insécurité. Où en sera le statut de la femme tunisienne dans un schéma vacillant vraisemblablement dès le départ des travaux de la Constituante et encore plus dans les circonstances actuelles entre le choix de l'islam comme religion de l'Etat et celui d'un Etat religieux islamique ?
Le choix d'une religion de l'Etat est celui que la Tunisie a adopté, développé et expérimenté, explicitement ou implicitement, depuis 1956, et qui s'est basé sur l'article 1er de la Constitution tunisienne stipulant que «la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, sa religion est l'islam, sa langue est l'arabe et son régime la République».
En réalité, cette disposition constitutionnelle a suscité un débat doctrinal vif, certains auteurs déduisant de la référence à l'islam un choix de l'application du droit musulman, la charia, comme source principale du droit, tandis que d'autres y trouvent une approche laïque séparant la religion de l'Etat, la sphère publique de la sphère privée. Mais c'est la vision moderniste de l'Etat, soutenue par la volonté politique majoritaire de la post-indépendance, qui l'a emporté majoritairement en droit comme en fait.
Pour le droit du statut personnel et de la famille, cette orientation se confirme, puisque contrairement aux législations des pays arabes en la matière, comme le droit algérien ou marocain, le législateur tunisien ne fait guère référence aux règles du droit musulman comme source nécessaire pour l'interprétation de la règle du statut personnel. En plus, et même si historiquement la matière du statut personnel en Tunisie comme partout ailleurs dans le monde arabe est intimement liée aux règles du droit musulman, le législateur a édicté un corps de règles, sur la base de l'ijtihad, cet effort de réflexion législative provenant des oulémas et des juristes musulmans, en faveur de la femme tunisienne, au-delà des limites strictes de la règle religieuse.
Mais il convient d'affiner cette réflexion et de nuancer ces propos. Plusieurs autres règles du droit du statut personnel trouvent, en effet, aussi leur source dans le droit musulman. De même, l'examen de la jurisprudence des tribunaux en matière de statut personnel montre un juge tunisien hésitant entre une approche séculaire et innovante du CSP et une lecture charaïque et conservatrice du même code. Cette hésitation surgit notamment lorsque le juge est face à une question d'exequatur d'un jugement étranger, à un texte ambigu ou au silence du législateur.
En témoigne à cet égard la jurisprudence ambivalente concernant l'empêchement matrimonial et l'empêchement successoral. Le juge est traditionnellement tenté de faire valoir la règle religieuse, arguant que la charia reste la source matérielle du CSP, pour interdire le mariage d'une musulmane à un non-musulman ou interdire l'héritage d'une non-musulmane à son mari tunisien. Mais un autre courant jurisprudentiel qui s'affirme depuis quelques années préfère se fonder sur les principes universels de la liberté, de l'égalité et de la non-discrimination consacrés par la constitution, les conventions internationales et les principes généraux de droit pour contourner ces empêchements. Cette cohabitation entre le droit positif et le droit musulman a créé ainsi, en réalité, une ambivalence de la législation du statut personnel.
En tout cas, de ce choix déclaré ou masqué de l'islam comme religion de l'Etat, volontariste mais fébrile, est née la mosaïque actuelle du statut juridique de la femme tunisienne dont les principaux « acquis » ont été rappelés plus haut.
Quant au choix du modèle de l'Etat religieux, la Tunisie l'a aussi expérimenté à l'époque coloniale. On appliquait, en effet, le droit musulman malékite ou hanéfite au statut personnel des Tunisiens, le droit hébraïque aux juifs tunisiens et le droit français ou la loi désignée par la règle de conflit française lorsque l'une des parties était non tunisienne et les tribunaux compétents étaient, selon le cas, les tribunaux confessionnels, charaïques et rabbiniques, séculaires et consulaires.
On a, à cet égard, des exemples plus récents de législations contemporaines s'inscrivant dans cette approche non séculière comme celui notamment de l'Arabie Saoudite, dont le droit est fondé constitutionnellement sur l'islam sunnite, du Liban soumis en matière de statut personnel au droit religieux, revendiqué par les communautés et appliqué par les tribunaux religieux compétents ou de l'Etat d'Israël dont les rapports entre Etat et religion sont inextricables, certaines lois étant d'inspiration religieuse comme la loi du retour ou certaines règles en matière de droit de la famille, l'Etat d'Israël se qualifiant, par ailleurs, expressément dans sa déclaration d'indépendance comme un Etat juif.
Mais, dans un Etat religieux, qu'est-ce que la femme a à y perdre ou à y gagner ?
A y gagner ? On avance par exemple que la polygamie réglerait le problème social du célibat et de l'adultère ! Certains prétendent en outre que le droit au travail doit être réservé aux hommes car on épargnerait ainsi à la femme les soucis d'une vie active souvent dure et on lui permettrait de jouir pleinement de sa fonction «naturelle» de femme au foyer ! Au meilleur des cas, si on admet le droit de la femme au travail et à la participation à la vie active, on lui refuserait l'accès à certaines professions qui seraient par trop compliquées et éreintantes pour sa constitution fragile et son intelligence altérée par sa sensibilité et son sentimentalisme exubérants à ménager et à s'en préserver en même temps. Blasphématoire serait ainsi l'exercice par la femme du métier de magistrat ou la poursuite d'études religieuses.
A y perdre ? Comme on peut le constater invariablement à travers la législation de plusieurs Etats religieux, la femme est privée du droit à la mixité, de celui à l'enseignement et au travail, de l'autonomie financière, du régime de la monogamie, du droit de se déplacer sans l'autorisation du mari, voire de la liberté élémentaire de conduire, etc. En somme, elle y perdra sa dignité et son droit de choisir son propre destin et de réaliser ses propres rêves et de l'assumer en personne parfaitement capable et en être parfaitement égal.
Mais loin de toutes les spéculations, des surenchères et des sentiments exacerbés, il convient d'examiner la question d'une manière plus objective. Et c'est là que se trouve justement la difficulté car le phénomène religieux est complexe. Il relève de la sphère de la foi, du sentiment, des passions, autrement dit du « subjectif ».
Ce qui en résulte, c'est que l'application de la règle religieuse, en fonction de l'interprétation individuelle ou collective qui en est faite peut être souple et modérée ou, au contraire, radicale et extrémiste. Qu'est-ce qui va alors permettre de sauver la règle religieuse, morale, de la passion des hommes ?
La science et la culture constituent les véritables boucliers aux débordements et aux déchaînements éventuels des sentiments. Mais la protection la plus sûre demeure le Droit. Le Droit objectif, entendu comme étant un ensemble de règles générales, obligatoires et abstraites qui garantissent le respect des droits subjectifs, les droits des personnes, toutes les personnes, quels que soient leur sexe, leurs croyances ou leurs appartenances.
Même si la religion constitue un système de valeurs qui se distingue des autres systèmes de valeurs sociaux par son caractère sacré, qui cherche à répondre à tous les maux des hommes et qui consacre certainement les valeurs humaines de l'égalité et de la justice, il est moins sûr qu'elle parvienne à atteindre ces objectifs, le religieux devenant souvent le lieu de tous les extrémismes et de tous les machiavélismes.
Ainsi, pour les droits de la femme, ce n'est pas tant la règle religieuse qui diminue la valeur de la femme mais bien son interprétation par des hommes qui se sont octroyés pendant des siècles des privilèges masculins, qui ont abouti à l'infériorisation de la condition de la femme et à sa marginalisation dans la société, et qui tiennent si fort à ces privilèges au point de les faire souvent intérioriser par la femme elle-même.
Aussi, afin de garantir les droits des personnes, la femme mais aussi l'homme et l'enfant dans les relations familiales et de statut personnel, le plus sûr est de se conformer à la règle de droit et de respecter la parole de son gardien officiel, le juge. Et même si parfois la règle de droit se fait transformer en lettre morte à force de violations et de discours politiques intéressés, et même si d'autres fois encore le juge se fait bafouer, à cause de ses propres dérapages voire abus, ce ne sont là que des écarts liés à des faits ponctuels et à des agissements individuels accidentels qui constitueront toujours une exception à la règle de l'impartialité que garantit le droit objectif.
En attendant la constitution de la deuxième République, la femme tunisienne armée du legs de son histoire exceptionnelle ose encore espérer le meilleur pour elle et pour ses enfants et luttera de toutes ses forces et de celles de ses hommes pour éviter le pire...


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