Par Azza Filali Dans sa conférence de presse du 27 août, Ali Laârayedh a désigné le mouvement «Ansar Echaria» de groupe terroriste, en précisant que cette étiquette impliquait des retombées sécuritaires et des mesures officielles de la part des ministères de la Défense et de l'Intérieur. Soit, mais deux questions surgissent : pourquoi cette étiquette collée à un groupe manifestement et indéniablement terroriste ? Pourquoi cette déclaration est-elle venue le 27 août et pas avant ? Que le mouvement Ennahdha reconnaisse la nature terroriste d'Ansar Echaria constitue une prise de position du mouvement par rapport à ce groupe, et une mise à distance. Pour n'importe qui, affirmer qu'Ansar Echaria est un groupe terroriste revient à reconnaître la couleur du cheval blanc. Pour le mouvement Ennahdha, il semble que la blancheur du cheval posait problème ou lui aveuglait la vision. Quoi qu'il en soit, une telle déclaration représente un revirement politique à l'égard d'un groupe qui était, il y a peu de temps, un allié tacite d'Ennahdha et une aile dure de réserve, traitée avec des ménagements officieux, mais relativement transparents. Pour renoncer à protéger le groupe d'Ansar Echaria, le mouvement Ennahdha n'a pu être que contraint et il semble qu'une double contrainte, interne et externe, ait contribué à cette prise de position. Au plan intérieur, Ennahdha est désormais divisé et affaibli : les déclarations contradictoires des dirigeants du mouvement n'ont pas manqué d'être relevées par les observateurs : acquiescement au projet de l'Ugtt par Rached Ghannouchi, rejet quasi immédiat de l'accord par deux autres membres de la Choura. Ces propos discordants attestent d'un désaccord profond au sein du mouvement, puisqu'une déclaration du président du mouvement a pu être quasiment démentie, le jour même, par ses membres. Malgré la discipline, réputée exemplaire, des lieutenants d'Ennahdha, leurs propos opposés prouvent que des fractures traversent le mouvement et que sa mythique unité est partie en fumée. Désormais, les divergences d'opinions et d'attitudes n'ont plus lieu à l'abri de l'immeuble imposant de Montplaisir et se dévoilent à l'air libre, au vu et au su de tous. Dans ce cadre d'un mouvement affaibli par ses divisions, il semble que la reconnaissance d'Ansar Echaria ait été le compromis inévitable qu'Ennahdha se devait de faire. Il semble aussi que ce compromis ait été plus facile pour elle que de dissoudre le gouvernement (...) Pourtant, se débarrasser d'un allié ombrageux tel Ansar Echaria n'est pas sans risque pour Ennahdha qui doit désormais compter avec « l'animosité » d'Abou Iyadh et de ses acolytes. Mais il est également une contrainte extérieure qui a sans doute pesé dans la déclaration de Laârayedh. Au cours des derniers jours, des rencontres ont eu lieu entre le président du mouvement Ennahdha et l'ambassadeur des Etats-Unis ainsi que le représentant de l'Union européenne. Leur « insistance » pour qu'Ennahdha se démarque de tout mouvement terroriste semble avoir pesé dans la balance et pourrait expliquer le moment choisi par Ali Laârayedh pour reconnaître enfin que le cheval est blanc et qu'Ansar Echaria est définitivement et sans conteste un mouvement terroriste.