Par Dr Taoufik SKHIRI * Depuis le 15 septembre, les villes côtières du gouvernorat de Monastir sont dans un grand émoi, c'est ainsi que les habitants de Ksibet El Mediouni, Lamta, Bouhjar et Khnis expriment leur ras-le-bol en bloquant et en entravant la circulation. Les raisons de cette colère s'appellent pollution dont les effets néfastes sont désormais palpables, portant atteinte à la santé de la population; femmes, enfants et pêcheurs souffrent de dermatoses, certains de cancer de la peau dont l'incidence est la plus élevée dans le pays, l'intoxication atteint aussi la faune marine, poissons et crabes flottent au bord de l'eau. Depuis de nombreuses années, les scientifiques ont tiré la sonnette d'alarme sur les dangers qui guettent la Méditerranée, les autorités des pays riverains ont fait la sourde oreille en raison des pressions économiques et politiques auxquelles ils étaient soumis malgré la convention de Barcelone signée par la plupart des pays riverains en 1976, la mise en place du Programme d'action pour la Méditerranée (PAM), rien de sérieux n'a été entrepris, ce sont les populations touchées dans leur vie et dans leur chair qui peuvent faire bouger les lignes de force et c'est ce qui est en train de se passer à Ksibet El Mediouni. Les raisons de cette pollution sont connues tant sur le plan local qu'international : la mer Méditerranée est une mer semi-fermée, elle communique avec l'océan Atlantique par le détroit de Gibraltar de 15 km environ de largeur et d'une profondeur de 300 à 900m selon les endroits, c'est donc un goulot d'étranglement qui ne facilite pas le renouvellement de cette eau, d'où la concentration des polluants qui s'attaquent aux biotopes, milieu marin, qui offrent à une population animale et végétale les conditions d'habitat stable. La Méditerranée est une mer en danger de mort du fait de la pollution industrielle (rejet des hydrocarbures, des nitrates, des phosphates), de la pollution agricole (rejet des pesticides), du rejet des déchets plastiques (70 pièces au km2), du rejet des polluants organiques et des métaux lourds : mercure, cadmium, plomb, etc. Au plan local, les consignes internationales et nationales ne sont pas appliquées et on continue à considérer la mer comme une poubelle, un déversoir capable de digérer tous nos déchets. Les canalisations rejettent l'eau non traitée directement dans la mer, l'eau y stagne et les vagues s'évanouissent loin du rivage, les pêcheurs qui rejoignent leurs barques ou qui vont recueillir les poulpes s'en sortent avec pieds et mains écorchés sans parler des odeurs malodorantes et des moustiques qui foisonnent à leur gré. Pourtant, il y a eu des promesses de la part des officiels en 2004 mais surtout en 2007 pour le remblaiement de tout le golfe de Monastir, soit des centaines d'hectares gagnés sur la mer, allant de Monastir jusqu'à Sayada. Que faire ? En attendant ce grand projet, appliquer les règlements : traiter les eaux usées avant de les déverser en mer, multiplier les stations d'épuration car les deux stations qui existent sont largement dépassées. D'autre part, les unités industrielles existantes, telles que celles du traitement du cuir, des peaux de mouton, de bœuf, de délavage des jeans, doivent se plier à la réglementation en cours, car quand la mer ne sera plus un milieu viable pour les poissons, ils se rendront compte que l'argent ne se mange pas (chef Seattle 1853). Sauver notre mare nostrum devient une urgence vitale sinon nous tuerons la poule aux œufs d'or et l'on pourra dire adieu au tourisme et au rêve des poissons. (Secrétaire général du parti Tunisie verte, fédération de Monastir)