Les filets de protection sociale connaissent un regain d'intérêt dans la plupart des pays, qu'ils soient en développement, émergents ou développés, en raison de la paupérisation de franges entières de la population, rendues vulnérables par les dernières valses des prix du pétrole, la flambée des cours des produits céréaliers, la crise financière internationale et autres remous chroniques de la déferlante mondialiste. Ces mécanismes ciblent en priorité les catégories les plus exposées à la marginalisation, la pauvreté, voire à la désocialisation complète, en permettant à des personnes, des ménages ou à des enfants d'accéder à des services de proximité dans le domaine de l'éducation préscolaire, celui du soutien scolaire, de la santé, de la prise en charge de personnes dépendantes et d'un certain nombre d'autres prestations sociales. Selon les pays et les expériences, ces mécanismes consistent concrètement à effectuer des transferts monétaires au profit des populations ciblées, à condition toutefois que celles-ci procèdent elles-mêmes à des investissements dans le domaine de l'éducation ou de la santé de leurs enfants, selon des préalables définis à l'avance. D'où l'appellation de Transferts Monétaires Conditionnels ou TMC , dont il est beaucoup question dans le monde, et de plus en plus en Tunisie actuellement. Sans avoir jamais été éprouvés en Tunisie, les TMC pourraient, cependant, être apparentés au dispositif de remédiation sociale de «Chèque-services». En guise d'entrée en matière dans ce domaine, la Tunisie a commandité une étude pour «la conception et la mise en place d'un projet pilote de promotion de services de proximité et d'un mécanisme de transferts monétaires conditionnels dans le bassin Ettadhamen-M'nihla». Pas question en effet pour notre pays de s'engager sur cette voie qui a certes donné ses fruits dans de nombreux pays, sans la précaution de recueillir en amont le pouls des acteurs sur le terrain et de diagnostiquer la réalité objective des bénéficiaires ciblés Economie solidaire Dans un premier temps, cet instrument d'économie sociale serait en effet éprouvé dans le gouvernorat de l'Ariana, et plus précisément dans le bassin Ettadhamen-M'nihla. A terme, et en cas de succès de cette expérience dans ce site, l'instrument du TMC ou du Chèque Service Conditionnel (CSC) devrait connaître une extension, en migrant vers deux autres gouvernorats au moins, à savoir Le Kef et Gafsa. A travers ce programme, les décideurs institutionnels visent en réalité une série d'objectifs qui s'insèrent parfaitement dans les orientations stratégiques des pouvoirs publics, dès lors qu'il s'agit en priorité de prospecter de nouvelles opportunités de création d'emplois pour les diplômés de l'enseignement supérieur, à travers la promotion de l'économie sociale et solidaire. Par ricochet, ce programme tend à réduire le taux de pauvreté, parmi les populations les plus vulnérables, à faire reculer le niveau de déperdition scolaire et de permettre à des catégories à besoins spécifiques, tels que les femmes, les personnes âgées, les porteurs de handicaps et les enfants en bas âge d'accéder à des conditions de vie dignes et décentes. Ce programme, piloté par le ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi, vise en définitive à faire converger une offre sociale de services de proximité, vers une demande sociale locale, bien réelle mais non solvable, et ce, moyennant la mise en œuvre des TMC ou des CSC. Au cœur des Objectifs du Millénaire pour le Développement De la sorte, sa mise en œuvre consiste à anticiper les profondes mutations, en cours ou à venir, des réalités sociales de notre pays, marquées notamment par la prééminence croissante de l'économie de l'intelligence, la montée de l'emploi féminin, l'urbanisation rampante, les mobilités sociales endogènes des personnes, les flux migratoires, le vieillissement de la population et le redéploiement des rôles au sein de la cellule familiale. Touchant de près les OMD, ce projet pilote est initié avec l'aide technique du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), dans le cadre d'un programme conjoint baptisé «Impliquer la jeunesse tunisienne pour atteindre les OMD». Ce programme, mis en branle dans les gouvernorats de Gafsa, du Kef et dans ceux du Grand-Tunis, vise à soutenir les efforts nationaux de développement en engageant des activités coordonnées, dans les domaines de l'emploi des jeunes et de la migration, de cinq agences onusiennes, à savoir le Pnud, la FAO, l'Onudi, le BIT et l'OIM. Un atelier de travail s'est tenu la semaine dernière à Tunis pour nourrir la réflexion entre les diverses parties concernées sur les implications de ce nouveau mécanisme précisément qui fait son entrée en Tunisie pour la première fois, ainsi que sur les modalités de son implémentation dans les bassins ciblés, à la lumière des bonnes pratiques internationales dans ce domaine. Les critères de ciblage des bénéficiaires, les modes de paiement des TMC, les mécanismes de leur pilotage, ainsi que les paramètres d'évaluation des divers programmes ont été au cœur d'un débat riche et constructif qui s'est instauré à cette occasion entre les experts, les décideurs et les acteurs du terrain.