L'une des plus belles définitions de l'optimisme est celle donnée par Marcel Pagnol dans «La gloire de mon père». C'est une phrase nichée entre deux souvenirs lointains où l'auteur raconte comment, enfant, il préférait mardi à mercredi. Mardi, pourtant, il avait cours toute la journée, alors que mercredi l'école était fermée. Nos jours, explique-t-il, ne sont beaux que par leur lendemain. Ne vous amusez surtout pas à jauger le moral actuel du Tunisien à l'échelle de Pagnol, ce serait trop noir. Parce que, ni nos jours ne sont beaux, ni nos lendemains ne sont meilleurs. Nos jours sont tous de sang souillés, de gale, de rage, de choléra, d'ordures, de nids de poules, de vie chère, de taxes, de dettes, de pénuries, de fetwas, de milices, de coups bas, de mensonges, de gens impatients de prendre leur part du gâteau avec avidité rétroactive depuis l'indépendance, d'imposteurs sans compétence ni carrure qui, par paquets, ont investi les postes-clés de l'Etat et j'en oublie. Nos lendemains, eux, n'annoncent ni des institutions démocratiques en construction, ni des élections en vue, ni des réformes planifiées, ni des objectifs économiques à atteindre, ni rien qui puisse nous donner foi en un avenir clair. D'ailleurs, aucune promesse n'a été, dans ce sens, tenue. L'avantage de la définition de Pagnol est qu'elle établit un ordre de priorité du beau: peu importe si aujourd'hui est beau, l'essentiel est qu'il fasse beau demain. De toute façon, le jour d'aujourd'hui n'est pas beau. Il est moche comme un crapaud. Et quoi que se passe demain, il ne peut pas être pire. Alors, moche pour moche, c'est aujourd'hui qu'il faut tout faire avant que notre lendemain ne se transforme en enfer.