Nos entraîneurs et nos dirigeants sont responsables de la perte d'identité de notre football D'aucuns se demandent le pourquoi de cette vague hollandaise qui envahit tardivement notre football. Nous disons bien tardivement car «l'orange mécanique» a tout de même connu son heure de gloire dans les années 70-80. Avec tout d'abord les Cruyff, Neeksens, Haan, Krol et autres Keizer, Hulshoff. Puis, à la fin des années 80 avec les Van Basten, Gullit et Rijkaard avec une coupe d'Europe des nations remportée haut la main face à l'URSS. Deux générations mais pas exactement le même football, pas les mêmes résultats mais aussi pas les mêmes clubs. Cruyff et ses frères ont dominé le football mondial grâce à l'Ajax, Feynoord et le PSV Eindhoven en réinventant le football grâce notamment à Michels et Stefan Kovacs. Van Basten, Rijkaard et Gullit ont, pour leur part, été chercher ailleurs la gloire et les titres, plus précisément au Milan de Berlusconi. Aujourd'hui, le football batave n'est plus ce qu'il était, faute de moyens mais aussi de talents. L'idée est restée, celle d'un football total et offensif mais elle n'est plus servie par les mêmes acteurs. Aujourd'hui, le seul joueur hollandais qui fait parler de lui, c'est l'avant-centre de Manchester United, Van Persie. Et encore, puisqu'il a 30 ans et que les talents ne se bousculent pas derrière. Les entraîneurs non plus puisque la mode est aux Espagnols, aux Italiens, aux Sud-Américains et même aux Français avec notamment la réussite insolente de Rudi Garcia à la tête de la Roma : 9 victoires en autant de rencontres, 23 buts marqués et un seul encaissé. Or, plus de trente ans après son éclipse, l'école hollandaise fait de nouveau recette. Pas aux Pays-Bas, pas en Europe mais en Tunisie. Grâce à Krol qui a ouvert la porte à Koster au Club Africain et bientôt Aad De Mos à l'Espérance. Grâce à son excellent rendement au Club Sfaxien où toutes les conditions de travail sont tout de même réunies et grâce aussi à son courage dans le choix du onze aligné face au Cameroun. Même si la victoire et les buts n'ont pas été au bout de la rencontre aller à Radès. Et que la qualification pour la phase finale de la Coupe du monde est loin d'être acquise à Yaoundé. Cette résurrection de l'école hollandaise sur nos terres est beaucoup plus dictée par l'échec de nos entraîneurs que par la nécessité de recourir à une école en particulier. En effet, certains de nos entraîneurs continuent à plaider pour un jeu d'une autre époque qu'on croyait à jamais révolue. Celle des Helenio Herrera et des Nero Rocco en Italie dans les années 60. Au nom des résultats immédiats Avec le recours à une armada de pivots défensifs et où on ne fait la part belle qu'à la défensive et à la récupération aux dépens du jeu et de l'offensive. Où on court après les résultats et où on oublie l'essentiel. Où on relègue les jeunes aux oubliettes pour privilégier de vieux soldats fatigués et programmés pour ne pas perdre. Rarement pour gagner. Ceci pour dire qu'on pouvait très bien avoir recours à des Espagnols, des Italiens, des Français ou alors des Sud-Américains, le résultat aurait été le même. Ces derniers auraient bien fait leur boulot en respectant les fondamentaux du football, alors que les nôtres auraient continué à prôner un football d'une autre époque, au nom des résultats, des échéances et des urgences. Le mal est donc en nous et le bien pas chez les autres. D'autre part, c'est vrai que nous tirons souvent sur les entraîneurs parce qu'ils sont, en principe, les premiers décideurs techniques. Mais nous omettons (à tort) souvent de parler de tous ceux qui poussent le technicien tunisien à agir de la sorte. Quand on entame une saison, les objectifs sont toujours fixés à l'avance : se battre pour le titre, viser une place au milieu du tableau ou alors éviter la relégation. Normal à la limite,mais quand on se contente de cela, on perd parfois l'essentiel, soit le projet. Et le projet, c'est le jeu, les jeunes, l'identité et la projection dans le temps. Or, changer constamment d'entraîneur est la preuve éclatante que nos clubs n'en ont pas vraiment, même si certains d'entre eux font semblant de faire de la formation, raflent à chaque intersaison les meilleurs jeunes, les placent sur le banc ou les relèguent sur les gradins pour faire croire qu'ils pensent aux jeunes. A Barcelone, au Real, à Manchester, au PSG, à la Roma et à Monaco, on voit plein de jeunes talents titularisés. Pas chez nous. Pourtant, la pression et la nécessité de gagner sont beaucoup plus importantes ailleurs. L'illusion hollandaise ne doit, de ce fait, en aucun cas, nous faire oublier nos propres erreurs et nos propres manquements. Elle ne doit pas non plus nous faire oublier que nos techniciens ne sont pas bien formés, qu'ils accusent un déficit de recyclage et qu'ils n'ont pas souvent le courage de leurs idées. Quand on parle avec certains d'entre eux, ils évoquent des choses qu'ils ne font pas dans la pratique, sur le terrain. Résultat : ils sont aujourd'hui en difficulté sur leurs propres terres et, pour beaucoup d'entre eux, ils risquent de perdre leur boulot. Si ce n'est déjà fait. A ce propos, l'échec de Sami Trabelsi, Maâloul et Kanzari devrait inciter à la méditation. Individuellement et collectivement même si nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions sur la solidarité et l'unité de ce corps de métier. Et pour y parvenir, le technicien tunisien doit retrouver son identité et la communiquer à ses joueurs.