Vus de plus près, ils sont encore plus impressionnants. Ils semblent débarquer d'un ovni, d'une autre planète… Jeune adolescent, je suis tombé — à l'instar de milliers de millions de personnes à travers le monde — sous le charme et la fascination de l'Ajax Amsterdam. Cruyff, Neeskens, Haan, Krol, Surbier, Hulshoff, Blakenburg, Keizer, Rep, etc. Football total, football spectacle, football offensif, football… extraterrestre, servi par une bande de hippies illuminés qui ont déferlé telle une horde sauvage sur les stades d'Europe et du monde entier, écrasant tout sur leur passage et sonnant définitivement le glas du catenaccio italien, de l'Inter et de son entraîneur-sorcier (Il Mago) Helenio Herrera. Quatre ans plus tôt au Mexique, on se pâmait devant un autre football, servi par d'autres extraterrestres, les Pelé, Tostao, Gerson, Rivellino, Jairzinho, Carlos Alberto, Piazza et Clodoaldo. C'était en 1970 et on croyait la vieille Europe vouée à l'hégémonie du football défensif. Soudain, la lumière fut… Bien sûr, il y a eu par la suite la vague de Feyenoord de l'immense Ernest Happel et de van Hanegem, l'irrésistible déferlante rouge avec le Liverpool de Keegan, Heighway, Kennedy, Souness, Dalglish et Ian Rush; le Milan de Van Basten, Gullit, Rijkaard et Baresi mais, franchement, aucune équipe n'a égalé le grand Ajax. Et aux spécialistes de se poser des questions: le football a-t-il atteint ses limites : techniques, tactiques et physiques? Est-il capable de se régénérer, de se réinventer, de nous surprendre et de nous épater, fût-ce une dernière fois? Franchement, comment ne pas être sceptique, surtout qu'après Ajax et Maradona, le football avait atteint, collectivement et individuellement, des sommets jamais égalés. Miracle du football Ce ne fut à vrai dire qu'une grossière erreur d'appréciation car, tant qu'il y aura du football, il y aura des génies et des équipes d'exception. Et, dans quelques années, nos enfants et petits-enfants regarderont les images de Barcelone et de Messi. Comme nous regardons aujourd'hui celles du Real de Di Stefano, Puskas et Gento ou encore l'immense Ajax de Cruyff. Heureusement que la nostalgie n'est plus ce qu'elle était et que le football nous gratifie parfois et encore de miracles, dans un monde où ceux-ci se font de plus en plus rares. Enfin, presque… Car la révolution tunisienne et, dans la foulée, celles arabes sont autant de miracles qui ont illuminé notre vie et celles d'autres pays arabes réduits à voir défiler la démocratie sur les écrans de télé d'autres nations. Le grand football aussi. Qui sait si un jour viendra où notre football se hissera au niveau du football qu'on aime, le football qui nous fait rêver… En tout cas, nous en sommes loin, très loin et un petit détour par Milan, pour Milan-Barcelone, nous a conforté dans cette idée. Et pas uniquement dans celle-ci. Mais ça, c'est une autre histoire… Injouables ! Milan-Barça donc, la grosse affiche, même si les deux clubs sont déjà qualifiés. Les Catalans n'ont pas digéré le nul de l'aller et ce but de Prince Boateng en toute dernière minute. Puis, il y a cette grosse polémique Ibrahimovic-Guardiola suite aux déclarations incendiaires du premier. Dans l'avion qui nous emmenait à Milan, quelques surprises, quelques privilégiés, quelques passionnés : Aziz Zouhir qui ne rate pas un seul grand match du Milan AC, Mounir Balti qui n'en est pas à sa première escapade footballistique, des employés de Tunisair (ah les billets gratuits !), un couple venu de Nice et… Sami Trabelsi qui y allait pour superviser Abdennour puis d'autres professionnels à l'étranger et qui a fait le détour pour Milan-Barça. A l'arrivée, c'est l'agent Ridha Dridi que nous retrouvons ainsi que notre collègue d'Al Jazira Sport qui eut la gentillesse de nous offrir les billets d'accès au stade. Ah ! Milan, le Dôme, les terrasses des cafés, les restaurants, les magasins et un soleil éclatant malgré les 10 degrés affichés ! Mercredi dernier, donc, nous avions tous pris le chemin de San Siro (pour les Intéristes), le Meazza (pour les Milanais). Une circulation dense, mais pas de gabegie, pas de klaxons, pas de rixes. Des familles entières qui vont au stade comme à une fête. Ça mange, ça boit, ça chante et ça discute jusqu'à l'entrée de ce vieux stade mythique. Intériste à la vie, à la mort, votre serviteur aurait voulu être là une année et demie plus tôt quand l'Inter de Mourinho infligeait un miraculeux 3-1 aux Catalans qui n'avaient sans doute jamais été plus forts. Mais franchement, c'est pour le Barça que j'étais venu. Et, comme les 90.000 présents à San Siro, je n'ai pas été déçu. Messi-Fabregas-Villa Rencontre à 20h45. Mais il faisait jour à San Siro. Pas comme quand on va à El Menzah ou même Radès pour une rencontre nocturne où on a du mal à reconnaître les joueurs tellement l'éclairage est médiocre. Nos autres stades, n'en parlons même pas ! Mais à vrai dire, ce ne sont pas les seuls projecteurs qui ont éclairé San Siro. Messi and Co ont illuminé la pelouse. Et, à les voir d'encore plus près, c'est IMPRESSIONNANT! Impressionnants de technique, de rapidité d'exécution, d'intelligence, d'imagination, de solidarité et de… correction. Des petits bonhommes hauts comme trois pommes qui ont réinventé le football, «qui ne se la jouent pas» sur le terrain et en dehors et qui réussissent l'essentiel : gagner et faire le spectacle. «Une finale ça se gagne, ça ne se joue pas». Il doit être bien ridicule celui qui a inventé cette phrase et bien mesquins les perroquets qui la répètent. Franchement injouable cette équipe bâtie par Guardiola avec la philosophie de jeu de Cruyff qui a été joueur et entraîneur du Barça. Ajax-Barça : même combat, même philosophie. Le jeu, toujours le jeu, rien que le jeu. Bien sûr, chacun analysera à sa manière le secret de cette immense équipe : Sami Trabelsi se dit impressionné par la qualité de récupération, d'autres par la qualité individuelle des joueurs et d'autres encore par la force du collectif. En fait, le Barça c'est tout cela avec en sus une présence et une force physique insoupçonnable chez des athlètes au gabarit plutôt modeste et dont la plupart flirtent avec le 1,70m. Sans plus. Totalement dépassés, les Milanistes, auteurs pourtant d'une très bonne deuxième mi-temps 2-3 à l'arrivée et ce n'était pas cher payé malgré le fait qu'Iniesta et Picqué étaient absents. Ce qui a le plus impressionné votre serviteur? La facilité du duo Messi-Fabregas, l'intelligence de Villa, leur technique et leur rapidité d'exécution et cette capacité à croiser et permuter devant sans jamais se rentrer dedans ou se marcher sur les pieds. Leur état d'esprit aussi : aucun joueur ne tire vers lui la couverture et aucun joueur n'est coupable d'un geste d'humeur envers l'adversaire, l'arbitre ou le public. Pourtant, Dieu sait combien les tifosi ont traité arbitres et joueurs du Barça de tous les noms. Fabuleuse soirée!