Les plus jeunes suivent la politique malgré eux. Même s'ils ne comprennent pas forcément les enjeux, ils restent à l'écoute et ne manquent pas d'avis A la terrasse d'un café, Ghraïri Dhafer, 17 ans, de Mégrine, ne parle pas de politique avec ses amis mais comme la plupart des jeunes, il n'y est pas insensible. « Ce qui m'a marqué ces derniers temps, c'est le jeune qui s'est fait exploser à Sousse. Je ne comprends pas. A-t-il subi un lavage de cerveau ? Lui a-t-on promis le paradis ?». Les événements du pays affectent les jeunes, les enfants, comme les adultes. Fedy Turki, 17 ans, vit à Salammbô. Il fait partie des jeunes actifs sur internet. Il est toujours connecté sur twitter et facebook. « Je retweete et mets des commentaires. Je partage des messages sur facebook également. J'encourageais à aller au Bardo par exemple. J'ai 1.500 amis, et plusieurs d'entre eux ont mon âge et aiment la Tunisie». Originaire de Sousse, Fedy a été choqué par l'attentat suicide. «Sousse est l'une des principales destinations touristiques en Tunisie. Heureusement que le terroriste ne s'est pas fait exploser à l'intérieur de l'hôtel, on aurait dit bye-bye au tourisme». Fedy reste malgré tout optimiste et confiant quant à l'avenir du pays. « Je suis content que le dialogue national avance. Il y a de bons candidats. Ils devraient se présenter pour les élections s'ils ne sont pas retenus dans le prochain gouvernement ». Plus tard, Fedy aimerait étudier à l'étranger puis retourner vivre en Tunisie. A 16 ans, son ami Alexandre Bouslama est baigné dans la politique malgré lui. « Je suis toujours entre Sidi Bou Saïd et Carthage, je ne vois pas vraiment de changements. C'est mon père qui suit beaucoup les informations et qui rapporte les mauvaises nouvelles. Je trouve que la situation actuelle est tout de même inquiétante. Il faut changer de politique et de gouvernement en Tunisie ». Alexandre ne participe pas aux manifestations, mais dans son école, il a la possibilité de lancer des initiatives avec ses camarades pour faire entendre leurs voix. « Quand il se passe quelque chose d'important, les jeunes créent un événement sur facebook et pendant la pause, ils manifestent au lycée. C'est l'occasion de dire ce qu'on pense. Dans notre école, on parle beaucoup avec les professeurs. On exprime notre avis. C'est bien que les adultes entendent ce qu'on a à dire. Mais par ailleurs, on n'entend pas assez la voix des jeunes. Pour changer les choses, il faut une vraie démocratie ». Alaeddine Jouini, 18 ans, a, lui, choisi de participer activement à la vie politique. « J'ai une cousine active dans un parti politique de gauche. Je ne suis pas adhérant mais parfois je participe à leurs manifestations, notamment pour réclamer la vérité sur les assassinats de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi ». Ghaia Hcheichi, lycéenne, a elle aussi l'âge de voter. Pour les prochaines élections, elle pourrait choisir son candidat, mais aujourd'hui, elle n'est convaincue par aucun parti politique. «La situation est chaotique. C'est flou pour moi. D'autres comme Ennahdha peuvent promettre des choses puis échouer lamentablement. J'ai l'impression que ceux qui gouvernent ne pensent plus qu'au pouvoir et oublient la situation du pays». La jeune fille regrette les divisions qui se sont créées au sein de son établissement scolaire. «Récemment, au lycée (Carthage Dermech), il y a eu une bagarre à cause de sujets politiques». Et les enfants ? Les plus jeunes ne manquent pas d'avis sur la politique, même si la définition leur échappe. « Je ne sais pas ce que c'est la politique. En tout cas, le président devrait s'occuper du problème des enseignants qui frappent les élèves. Une fois, la maîtresse m'a blessée aux bras. Ils étaient rouges et bleus en quittant l'école », raconte Hayfa, 8 ans. « Le président doit nous augmenter les salaires », ajoute un autre enfant qui imite spontanément les adultes. « Il faut augmenter les salaires, éliminer le chômage pour que la Tunisie aille mieux. Marzouki et les autres doivent s'occuper du peuple et non plus de leur propre personne », explique Mohamed Hedi Jebali, 9 ans. Sa camarade Takoua pense qu'il faut baisser les prix des produits. « La vie est devenue trop chère. Il faut que le nouveau gouvernement puisse améliorer la situation. J'espère que les conditions seront meilleures. L'ancien gouvernement ne s'est pas occupé de l'économie, ils ne nous ont pas aidés ». Assise dans le même bus de ramassage scolaire que Takoua, Hager Larbi a des préoccupations écologiques. « Ils devraient enlever les ordures, s'occuper du pays pour qu'on puisse bien y vivre. Partout où on passe, les rues sont sales ». Pour d'autres, c'est la situation sécuritaire qui est au cœur de leurs inquiétudes. Yassine, 9 ans, veut « seulement que les cartouches disparaissent. Sérieusement, la situation est effrayante ». Sur cette question, les témoignages abondent. « Des gens d'un autre quartier sont venus et ont cassé les fenêtres des maisons. On a appelé la Police, elle n'a pas voulu venir », témoigne un enfant du quartier Kram el Gharbi. « Dans notre quartier on vend de la drogue. Récemment, des gens voulaient en acheter et une bagarre a éclaté. C'était à l'avenue Jugurtha, à Salammbô. Ils ont tout cassé », raconte Iyed, 8 ans. « Un homme a été tué près de mon quartier à l'avenue Cinq- Décembre. Il avait reçu des coups de couteau et 5 balles dans la tête. C'était au mois de janvier dernier », ajoute Omar, 9 ans. « Je souhaite que toute la Tunisie vive, c'est tout ! », conclut Amine, 10 ans.