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Petits maux, GROS MOTS
Langage grossier
Publié dans Le Temps le 19 - 10 - 2008


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L'avis d'un spécialiste : M. Mehdi Mabrouk, Docteur en sociologie et Professeur à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis : « Tout ce qui est sale, dégoûtant et grossier est facile à apprendre surtout pour un enfant »
Gros mots, jurons ou insultes. Tout le monde en use. Dans la rue, au travail, dans le transport public, à l'école...
Enfants, ados, jeunes et adultes profèrent ces mots blasphématoires à l'égard de leurs semblables à tel point qu'on s'est habitué à les entendre à tout bout de champ, dans les conversations ordinaires comme dans les situations conflictuelles. Ces mots, d'ordre essentiellement sexuel et diffamatoire, sont toujours dégoûtants, honteux, ignobles et avilissants pour celui qui les entend. Ces mots, toujours enrichis de néologismes sordides, alimentent de plus en plus notre langage si bien qu'ils constituent un bon domaine pour les travaux de linguistes et de lexicologues qui peuvent en faire un grand dictionnaire. Pourquoi donc en est-on arrivé à ce niveau de langue très bas ? Le Tunisien n'est-il pas capable de tenir une conversation avec autrui sans recourir à cette grossièreté langagière ?
Ces gros mots sont innombrables, mais on ne peut en donner d'exemples par pudeur et pour ne pas choquer les lecteurs, étaient dans le passé l'apanage de voyous, de vagabonds, de gens impolis et mal éduqués. Aujourd'hui, ces gros mots sont utilisés par tout le monde, à quelques exceptions près, surtout chez les jeunes, sans distinction sociale ou familiale. A l'école, les enseignants se lamentent d'entendre à tout moment des propos obscènes échangés entre camarades de classes. Tahar, prof de maths ne cache pas son indignation : « Chacun a son petit lexique de gros mots, prêt à l'utiliser au moment opportun et sans ambages, quelle que soit la situation en faisant fi des interdits et des sanctions qu'il peut encourir. Même en classe ou dans les rangs, il m'arrive d'entendre de gros mots proférés par un élève, mais il n'est pas toujours facile de le repérer ! Quand je ne suis pas sûr du coupable, je fais comme si je n'avais rien entendu ! ». Mais son collègue, Naceur, prof d'anglais, se montre plus strict et ne laisse pas l'auteur de ces gros mots sans punition : « Un jour, à la fin du cours, j'étais encore en classe quand j'ai entendu un gros mot proféré à haute voix par l'un des élèves, un mot qui fait rougir de honte ! Il a été automatiquement puni ! Mais cela n'empêche que les gros mots sont la monnaie courante des élèves ! »
Dans les lieux publics et surtout dans les moyens de transport, il n'y a presque pas de discours ou de propos tenus par un groupe de jeunes qui ne soit agrémenté d'injures, de jurons ou de blasphèmes ; et ce, au vu et au su de tout le monde. Même les grandes personnes ne sont pas respectées. Le plus étonnant est que les passagers du train ou du métro, à force d'entendre ces gros mots, sont devenus indifférents, passifs et ne manifestent aucune réaction envers les auteurs de ces propos malsains. Et si, par hasard, l'un des passagers ose intervenir en prétendant les moraliser, il entendra ses quatre vérités de la bouche de ces jeunes impolis et sans vergogne. Ridha, 45 ans, usager du train de la banlieue sud, a été maintes fois témoin oculaire de ces scènes malveillantes où domine un registre de langue très vulgaire: « C'est très courant d'entendre des collégiens ou des lycéens user de gros mots dans le train sans se soucier de la présence des autres passagers. Et pour peu que vous leur fassiez la remarque, ils vous diront : ça ne vous regarde pas ! Alors, la plupart des passagers préfèrent se taire, de peur d'être offensés publiquement par ces jeunes effrontés ! »
Les petits enfants, encore à l'école primaire, ont également leurs gros mots à dire. Il faut assister à leurs bagarres devant l'école pour savoir qu'ils sont aussi habiles que leurs aînés en matière d'injures et de grossièretés. D'ailleurs, ces gamins de 6 ou 7 ans n'inventent rien ; ils répètent ce qu'ils ont entendu de la bouche même de leurs frères, leurs camarades, leurs proches et peut-être leurs parents ! Mohamed, instituteur, nous a dit et non sans peine : « Il ne se passe pas un jour sans qu'un élève vienne se lamenter en disant : Monsieur, il m'a dit un gros mot ! Cette phrase est très fréquente dans ma classe et dans toutes celles de mes collègues ! » C'est que les jurons et les blasphèmes s'apprennent beaucoup plus vite qu'un poème ou une règle de grammaire par ces petits diables ! Ils n'exigent aucun effort, aucune méthode ! Cela se transmet d'une génération à l'autre, en famille comme dans la rue, en plein public : il suffit de tendre l'oreille.
Inutile d'allonger encore la liste de ces cas où le langage grossier est l'outil privilégié chez certaines gens dans toute communication avec autrui. Où que vous soyez, au volant, au marché, au café, au travail, les gros mots vous traquent et vous glissent rapidement dans l'oreille, quoi que vous fassiez pour les éviter ! Selon les psychiatres, ces gros mots ont une propriété purgative et une fonction compensatrice pour la personnalité de l'individu. Ce n'est pas par hasard que ce langage grossier est composé en grande partie de mots sexuels, tabous. Toujours selon les psychologues, en prononçant ces mots, l'individu provoque une transgression des normes, des lois sociales qui interdisent l'usage de tels mots, et partant, il se sent soulagé et croit être libre de toutes contraintes en agissant de la sorte. C'est donc une forme de plaisir et de défoulement. C'est comme si tout ce qui est frappé d'interdits était source de plaisir ! Une question se pose : que faire pour éradiquer les gros mots de notre langage quotidien ?
Hechmi KHALLADI
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L'avis d'un spécialiste : M. Mehdi Mabrouk, Docteur en sociologie et Professeur à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis : « Tout ce qui est sale, dégoûtant et grossier est facile à apprendre surtout pour un enfant »

Nous avons rencontré M. Mehdi Mabrouk, Docteur en sociologie et Professeur à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis à qui nous avons posé les questions suivantes :
Le Temps : D'où vient que l'usage de gros mots est devenu un phénomène flagrant chez nous ?
Mehdi Mabrouk : A vrai dire, il faut revenir aux années 30 du siècle dernier pour pouvoir trouver les origines de ce phénomène. Déjà, à l'époque, le célèbre poète Bayram Ettounsi, qui avait passé plusieurs années en exil dans notre pays, faisait remarquer l'utilisation massive de ces gros mots par les Tunisiens surtout ceux émanant des couches populaires qu'il avait longuement fréquentées. De même, les chansons populaires (folkloriques, satiriques...) de cette époque contenaient des paroles obscènes. Cela est peut-être dû à la conjoncture qui sévissait au temps de la colonisation française. D'ailleurs, le mot « zoufri », provenant du mot français « Les ouvriers » (Faites la liaison !) était assimilé à ceux qui usaient de mots vulgaires que les gens bien élevés ne disent pas. Ajoutons à cela que ce langage pervers était le seul moyen de réagir dont disposait la masse populaire, formée essentiellement de paysans et d'ouvriers ; c'était leur arme pour se défendre, pour marquer et se démarquer, et c'était le moyen le plus facile pour réagir lors d'une situation fâcheuse, en cas de confrontation avec l'occupant ou de conflits entre les différentes tribus...Et puis, l'usage des gros mots peut passer pour un moyen d'intégration dans la société dans la mesure où ceux qui ne disposent pas d'un bagage assez riche en gros mots est considéré comme « rétrograde, débile ou inexpérimenté ». Ceux qui font preuve de bienséance, de réserve et de retenue aux moments de tension peuvent souvent être l'objet de moquerie. L'usage de gros mots est donc un réflexe linguistique transférable de génération en génération et dont il est presque difficile de s'en débarrasser.
- Peut-on donc parler d'un comportement langagier anormal qui prend de l'ampleur chez nous et qui se présente comme une fatalité ?
-Dans toutes les sociétés et toutes les cultures du monde, il y a des choses considérées comme vulgaires, répugnantes, obscènes qui doivent être évitées, en l'occurrence les gros mots. Mais, dans la communication entre individus, il y a toujours eu des errements, des écarts et des inconvenances de toutes sortes. Tout ce qui est sale, dégoûtant et grossier est facile à apprendre surtout pour un enfant (en famille, dans la rue, à l'école...) et cela devient à partir d'un certain âge une forme d'expression presqu'inconsciente que certains utilisent comme moyen défensif ou offensif et que d'autres y recourent pour exercer leur pouvoir ou leur autorité dans la communauté. La maîtrise de soi face aux problèmes quotidiens et dans les situations critiques créés par le monde moderne est devenue quasi impossible si bien que les personnes qu'on peut qualifier de polies, bien éduquées, bien élevées, bienséantes, courtoises et de tous les adjectifs de ce genre sont devenues des oiseaux rares et sont même prises pour des personnes marginales, et si j'ose dire, anormales, puisqu'elles ont l'air de vivre hors de la règle. Le monde à l'envers ! »


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