Journaliste, écrivain, poète, linguiste, cinéaste, Pasolini dont la formation est principalement littéraire, a fait naître une œuvre abondante qui a marqué son époque et l'histoire du cinéma italien et universel. Cet artiste dont l'inspiration est italienne jusqu'à la moelle est mort dramatiquement en Ostie : le meurtre est jusqu'à maintenant abreuvé dans l'ambiguïté; ses amis qui lui ont survécu ont souligné que ce meurtre est idéologisé, semble-t-il. Une vie intrigante tout comme sa mort, dira-t-on. Au cœur de son œuvre matricielle, on trouve une Rome qui entre dans les fins fonds de l'univers pasolinien ; ainsi, amour, amitié, politique, littérature et cinéma bercent sa conception du monde, du cinéma et de la vie. Et c'est dans une exposition magnifique à la Cinémathèque française du 16 octobre au 26 janvier 2014 à Paris qu'on a invité les spectateurs à découvrir son périple, son parcours, ses expériences, son immersion dans une Rome de Banlieue, des « Borgates » illégales, de cette communauté de la misère et de la précarité des sous-prolétaires. De là, son inspiration prend d'autres formes et épouse différentes dimensions motrices de son œuvre littéraire et artistique. Sociologue à sa manière, analyste incoercible de la société italienne, le combat de Pasolini sera à l'image de son analyse, de ses traités, de sa pensée et de son esprit révolutionnaire. Le mythe de Pasolini dans l'imaginaire italien épouse toutes les illusions et les langages inventés et éclatés d'un cinéma marginal, terrible, gravissime, métaphorique et énigmatique. Ce mythe-là appelle un cheminement à contre-courant du cinéma universel, interpellant ce refus de la « société du spectacle » sur-consommatrice et capitaliste afin d'embrasser les corps des mythes universels comme corpus littéraires et cinématographiques. Cette riche exposition suivra la chronologie de l'œuvre-vie de Pasolini d'un quart de siècle jusqu'à la nuit de son assassinat. Ainsi dessins, tableaux, autoportraits, documents d'archives, extraits audiovisuels et d'autres œuvres méconnues de l'artiste, seraient ces matériaux précieux d'une palette parlante, représentative et symbolique d'une vie précoce dandinée par la jubilation, le débordement, l'engagement, l'amour mais aussi par les angoisses, l'inconstance et les désillusions. Ce cinéaste virulent dont l'énergie déborde sur toutes les expressions du réalisme a réussi à réinventer d'autres signes, d'autres paradigmes, bref un art qui transcende sa vision du monde, une vision fabuleuse avec des fables divinement réalistes : «On m'a dit que j'ai trois idoles : le Christ, Marx et Freud. Ce ne sont que des formules. En fait, ma seule idole est la réalité. Si j'ai choisi d'être cinéaste, en même temps qu'écrivain, c'est que plutôt que d'exprimer cette réalité par les symboles que sont les mots, j'ai préféré le moyen d'expression qu'est le cinéma, exprimer la réalité par la réalité» (Pier Paolo Pasolini).