Présenté en première mondiale au Festival du film d'Abou Dhabi, le documentaire de ce jeune cinéaste, réalisé en hommage à son père, travailleur de foin, gagne le prix du Meilleur réalisateur et celui de la critique internationale Avant de partir à Abou Dhabi présenter son premier film en compétition officielle des longs métrages documentaires, dans le cadre de la septième édition du Festival international du film, le jeune cinéaste tunisien Hamza Ouni avait un trac fou. Ce qui est normal pour un premier film. Mais le jeune cinéaste est un peu trop exigeant envers lui-même, il ne se donne pas le droit à l'erreur. Son producteur, Karim Rmadi, a beau l'encourager, mais l'éternel insatisfait voulait, jusqu'à la veille de son voyage, montrer le film à certains critiques intransigeants. Tout est bien qui finit bien, à son retour des Emirats arabes unis, Hamza est aux anges. Il découvre que son film a un sens, même pour les étrangers, et que les six années de tournage n'ont pas été vaines. A son grand bonheur, Jemel el barrouta ou El gort gagne le prix du Meilleur réalisateur et celui de la Fédération internationale de la presse cinématographique (Fipresci), en ex æquo avec Essoutouh du célèbre réalisateur algérien, Merzak Alouach. Bien sûr qu El Gort a des erreurs de «premier film», où l'auteur hésite entre deux manières d'aborder ses personnages principaux, s'implique à un certain moment dans le propos sans laisser au spectateur la liberté de déduire, applique parfois scolairement la démarche des questions réponses pour mieux s'en jouer et en souligner le point de vue, mais le documentaire de Hamza Ouni demeure poignant, grâce au choix du sujet et de ces personnages qui défient la vie, défient la mort et passent leur temps à dire « m... » au temps. Et puis, il y a ce parti pris du road movie qui rehausse le film et qui colle parfaitement au chemin glissant que traversent ces deux jeunes Tunisiens désabusés qui n'ont rien d'autre que leur travail, très peu rentable : transporter et vendre du foin. C'est, d'ailleurs, à la mémoire de son père travailleur de foin, originaire d' El M'hamdia, que Hamza a réalisé ce film. Cela démarre plan-plan, avec le départ à l'aube des deux jeunes hommes, et cela se concentre sur la route. Chemin faisant, nous découvrons le passé proche et le présent d'une Tunisie terrassée par la dictature, secouée par la révolution, et désillusionnée suite aux évènements de la post-révolution. Dans cette première partie du film qui dure 86 minutes, Hamza ne force pas le trait. Les personnages se caricaturent eux-mêmes dans des confidences inattendues. Ils se coulent dans leur propre rôle avec une délectation aussitôt communicative. Leurs propos exorcisent tous les maux dont souffre une certaine catégorie sociale de la Tunisie. Héros marginaux, accablés. Crétins sympathiques à la candeur troublante. C'est ce genre de personnages mélangés de feu et de glace que la moindre étincelle peut rendre suicidaire. Et c'est le premier film du nom moins «funambule» Hamza Ouni. A voir absolument. La première tunisienne est prévue pour le mois de décembre prochain à El M'hamdia, là où l'histoire est née.