« Cette loi compliquera la gestion du patrimoine et déstabilisera la sécurité juridique », selon Fadhel Moussa En 1957, Habib Bourguiba, encore Premier ministre, décide d'abroger la loi sur les « awkaf » ainsi que leur liquidation. L'idée revient, aujourd'hui, en force au sein des commissions des finances et des législations qui sont en train de concocter, en l'absence des députés de l'opposition, un projet de loi visant à redonner vie à ces « awkaf ». « Ce projet de loi, qui reste évidemment tributaire de l'approbation de l'assemblée générale de l'ANC, permettra à celles et ceux qui le souhaitent d'affecter une partie de leurs biens pour la collectivité et ainsi atteindre un but spirituel dans le cadre d'une aumône infinie », explique Ferjani Doghmen, président de la commission des finances. « Cependant, se rattrape-t-il, il n'y a pas qu'un aspect spirituel ou religieux dans ce projet de loi, il y a également la consécration de la société civile (individus ou groupes d'individus) en tant que contributeur à la solidarité nationale. Ce n'est pas un projet islamiste ». Selon lui, les « awkafs » ne sont que « l'équivalent des « fondations » en Occident, qui connaissent un essor avec un nombre autour de 1.800.000 aux Etats-Unis et de 800 000 en France ». Sans en donner la preuve et sans qu'aucune étude n'ait été faite sur le sujet, le président de la commission des finances affirme que cette loi, si elle est votée à l'ANC, permettra de créer des postes d'emploi et générera des bénéfices pour l'Etat à qui « l'opération n'aura coûté aucun millime ». « Faux ! Cela coûtera beaucoup d'argent à la collectivité publique, car le système qui sera créé supposera une nouvelle organisation administrative et un nouvel ordre juridique qui demandera la mobilisation de moyens financiers et humains conséquents», rétorque Fadhel Moussa, député d'Al Massar. Le député de l'opposition estime, par ailleurs, que « l'ANC n'a pas le droit de modifier tout un ordre juridique substantiel, en période de transition ». « Ce projet de loi a été déposé au bureau d'ordre le 17 octobre 2013, et aujourd'hui on lui donne la priorité. Au nom de quoi ? Est-ce le moment ? Je ne vois aucun lien entre ce projet de loi et la mission constituante. Cela ne figure ni dans la petite Constitution, ni sur la feuille de route du Quartet », s'agace-t-il. Pour lui, qui dit avoir travaillé sur la question, ce projet de loi — abrogé à l'aube de l'indépendance — risque de « compliquer la gestion du patrimoine et déstabiliser la sécurité juridique. Une gestion basée, depuis 50 ans, sur la propriété et régie par une législation dont les institutions sont le Tribunal immobilier, la Conservation foncière et l'Office de topographie et de cartographie. Je doute fort qu'une étude d'impact ait été faite avant la soumission d'un tel projet de loi », conclut-il.