Au jour prévu de la démission du gouvernement selon la feuille de route du Quartet, ils étaient tous là, les sympathisants du Front populaire... A portée de voix du Palais du gouvernement ! Finalement, le Front populaire a recouru à la rue. Son grand rassemblement a eu lieu, hier, en début d'après-midi, sur l'esplanade de La Kasbah. La foule était dense. Militants et sympathisants de l'opposition ont été au rendez-vous pour lancer le fameux «dégage» à la face du gouvernement en place, dont le chef, Ali Laârayedh, était le premier à être pointé du doigt. Pour les manifestants, la déclaration de ce dernier indiquant qu'il ne quitterait pas son poste à la date prévue, soit le 15 novembre — journée d'hier — a fait déborder le vase. D'autres voix se sont élevées pour faire entendre d'autres reproches. Le fait que son parti s'accroche à la personne de Ahmed Mestiri comme à un choix unique, comme seul candidat à avoir le profil du futur chef de gouvernement, est considéré comme un véritable coup de grâce au Dialogue national. « C'est pour cela que nous sommes là, aujourd'hui : nous voulons mobiliser la rue contre cette ténacité morbide d'un gouvernement démissionnaire et illégal. Ennahdha devrait prendre le taureau par les cornes et revenir à la table du dialogue avec beaucoup plus de sérieux». Ainsi s'exprime le leader du Front, Mongi Rahoui. Sur un ton menaçant, il lui a adressé un dernier ultimatum. Lundi prochain ! Les choses devront prendre une nouvelle tournure à cette date. Et de nuancer : « Nous sommes encore dans la logique du dialogue. Toutefois, si le gouvernement actuel avait l'intention de faire échouer le dialogue, il se mettrait face à la colère de la rue». A ce moment là, enchaîne-t-il, l'opposition serait ainsi de son côté, dans le sillage d'une mobilisation populaire irréversible jusqu'à la chute du gouvernement. La foule présente a continué de scander des slogans hostiles: «Partez, gouvernement de l'échec», «Après le sang, pas de légitimité». Le mot «Dégage» n'a pas cessé d'être repris comme un refrain. Car les manifestants considèrent le 15 novembre comme une date butoir pour le départ de l'équipe Laârayedh, comme cela a été annoncé dans le calendrier prévu de la feuille de route du Quartet. A haute voix, un militant du Front a pris la parole dans un discours improvisé, où il a qualifié la loi de finances, ainsi que le projet de budget 2014, de coup de poignard contre le peuple et à la classe moyenne... « 2014 s'annonce comme l'année de la famine, de la pauvreté et du chômage, étant donné qu'il n'y aura plus de caisse de compensation, plus de nouveaux recrutements ni d'augmentations salariales», a déclaré de son côté Jilani Hammami, membre du Front populaire. Une intervention qui voulait passer deux messages-clés. Le premier au gouvernement, pour qu'il fasse preuve d'engagement sérieux quant au dialogue, de manière à s'accorder sur le choix consensuel de la personnalité du futur chef du gouvernement, et que son parti procède à l'annulation des amendements introduits dans les articles du règlement intérieur de l'ANC. Le second au peuple tunisien, l'incitant, le cas échéant, à la désobéissance civile. L'orateur n'y va pas par quatre chemins : « En cas d'échec, Ennahdha payera un lourd tribut», a-t-il averti. Le cortège du Chef du gouvernement, passant à ce moment, n'a pas manqué de provoquer une poussée d'adrénaline parmi la foule. D'une seule voix, les manifestants ont crié « Dégage ». Le cordon de sécurité placé sur les lieux n'a montré aucune réaction.