Le vol de la statue de Ganymède a révélé l'existence de tout un réseau tuniso-algérien, commandité de l'étranger et spécialisé dans le pillage des sites archéologiques. Ganymède, une pièce unique et d'une valeur inestimable datant du Ve siècle, a été volée dans la nuit du vendredi 15 novembre du musée paléochrétien de Carthage. Un vol qui en cachait d'autres ! Un réseau tuniso-algérien C'est peut-être un hasard, mais probablement pas. Les autorités algériennes ont annoncé lundi l'arrestation, sur les frontières tuniso-algériennes, d'une bande de contrebandiers en possession de quelques statuettes et pièces de monnaies rares pillées dans les sites archéologiques tunisiens. L'information aurait pu passer inaperçue s'il n'y avait pas le vol de Ganymède. Serait-ce uniquement la partie émergée de l'iceberg ? Apparemment c'est le cas, surtout que la Tunisie est devenue, faute de sécurité, un terrain de chasse favori des collectionneurs des pièces rares. Et c'est là qu'interviennent les bandes de crime organisé qui exécutent les demandes des commanditaires. Sachant que notre pays dispose d'une collection de pièces rares témoignant des différentes civilisations qui se sont succédé sur les terres de Carthage, la «recette» des pillages, de plus en plus faciles à réaliser, est plus qu'alléchante. Les contrebandiers étant connaisseurs de toutes les ficelles pour faire sortir tout et n'importe quoi et disposés à répondre à n'importe quelle offre susceptible de leur remplir les poches, pour eux, les opérations de pillage des sites archéologiques et des musées sont devenus un jeu d'enfants, que dire des barons de la mafia de la contrebande des pièces rares. Sécurité, mon doux souci ! Adnane Louhichi, directeur général de l'Institut national du patrimoine (INP) à Tunis, a affirmé que des mesures de première urgence ont été prises dès le déclenchement de la révolution. Certaines œuvres ont été retirées et placées dans des coffres-forts, alors que d'autres ont été remplacées par des copies. Des mesures qui ont certes permis de protéger quelques pièces rares, mais qui ne suffisent absolument pas. En effet, et nous l'avons remarqué par nous-mêmes, le dispositif sécuritaire dans les musées est loin d'être fiable. Ne parlons pas des sites archéologiques où la sécurité est quasi-absente. Il suffit de voir quelques jeunes organiser des soirées arrosées où des pièces d'une valeur inestimable servent de tables, pour se rendre compte que le pillage de ces pièces est plus simple qu'un bonjour. Concernant les musées, et selon Adnane Louhichi, trois gardiens qui se relaient du matin au soir, avec un dispositif électronique (caméras et alarmes) qui ne fonctionne pas dans la plupart des musées, sont insuffisants. Ganymède mesure, rappelons-le, 49 cm et elle est faite de marbre. C'est dire à quel point il est difficile de la déplacer. Et pourtant, personne ne s'en est rendu compte. Le dispositif de surveillance, humain et électronique, est à revoir et un plan de sécurité complet est désormais plus qu'indispensable pour protéger un patrimoine inestimable. Un mal pour un bien ? Le vol de Ganymède a certes choqué plus d'un et a émergé un sentiment de dégoût de la perte d'une telle pièce, mais il a au moins permis de mettre sous les projecteurs un phénomène dangereux mais qui n'a pas eu l'attention qu'il mérite. Fallait-il que ça arrive pour que les responsables de la protection du patrimoine tunisien s'intéressent à ce fléau qui ne date pas d'hier, mais qui n'a pas, jusqu'à aujourd'hui, été à la une des intérêts ? Quoi qu'il en soit, paraît-il que le ministre de la Culture s'apprête à démissionner après ce vol. Espérons que son successeur accordera plus d'importance à ce phénomène de pillage des musées et des sites archéologique et que le vol de Ganymède ne sera pas classé parmi les nombreux vols non élucidés.