«Seuls les partis Al Massar, le Front Populaire et le Parti Pirate ont affiché un soutien clair et sans ambiguïté au jeune Jabeur», selon Kaouther Zouaoui Voilà déjà une année et neuf mois que Jabeur Mejri, jeune inconnu originaire d'une petite ville de Mahdia, est en prison. «Il n'a pas tué, il n'a pas volé, il n'a de problème avec personne, il en a avec Dieu», comme dira sa mère, dans un documentaire réalisé par le jeune Marouen Ben Saâda et projeté mercredi à Tunis, par Amnesty international et le mouvement du 13 Mars. Jabeur Mejri est condamné à 7 ans et demi de prison ferme, pour avoir partagé sur son compte Facebook (d'ailleurs quasi vide « d'amis ») des caricatures du prophète Mohamed. Condamné en vertu d'une loi anachronique, jadis utilisée par le régime déchu pour museler l'opposition et étouffer la liberté d'expression, Jabeur Mejri n'est que la face apparente d'un iceberg. Celle d'une jeunesse trahie par sa révolution, qu'elle croyait libératrice du joug de la pensée unique, un prélude à l'acceptation de cet autre qui porte une pensée étrange, étrangère, parfois blasphématoire. Jabeur Mejri, tout comme la jeunesse tunisienne frustrée, ressent au fond de sa cellule une trahison puis une torture morale. D'abord une trahison, celle d'une classe politique immature, aux calculs cyniques de maintien ou de conquête d'un électorat réputé «conservateur». Selon Kaouther Zouaoui, présidente du mouvement du 13 Mars, «seuls les partis Al Massar, le Front Populaire et le Parti Pirate, ont affiché un soutien clair et sans ambiguïté au jeune Jabeur». Torture morale ensuite, infligée par le président de la République en personne, un ancien militant des droits de l'Homme visiblement à la retraite. «Non seulement il n'accorde pas la grâce présidentielle, lui qui en a les prérogatives, mais en plus il utilise son dossier à chaque déplacement qu'il fait à l'étranger en promettant la libération prochaine de Jabeur Mejri, lui donnant ainsi de faux espoirs», explique Kaouther Zouaoui. Pour le militant Azyz Amami, «Marzouki n'est pas un défenseur des droits de l'Homme. Il a toujours produit de beaux discours à l'étranger, sans jamais rien concrétiser en Tunisie». Même si Amnesty International a lancé une pétition pour la libération du jeune Jabeur, la mobilisation reste timide. «Il est plus facile de défendre quelqu'un avec qui on partage la même opinion, mais c'est un exercice compliqué de défendre le droit de l'autre à exprimer son opinion, même si on n'est pas d'accord», regrette Kaouther Zouaoui. Aujourd'hui, la signature du président est indispensable, pour que Jabeur Mejri sorte enfin de prison, mais le combat pour une liberté d'expression non sélective et la liberté de conscience sans complexe se poursuivra. Alors monsieur le président, la signature, c'est pour quand ?