Bargou 08, c'est le chant traditionnel de Siliana qui invite le Stambeli pour un duo inédit. Il était une fois à Siliana le Mont Bargou. Cette montagne a précieusement préservé les rares richesses de la région. Les chants traditionnels en ont longtemps fait partie, mais, aujourd'hui, ils voyagent et apparaissent sous un nouveau visage. C'est en quelque sorte le principe du projet Bargou 08, un «front musical populaire» où musique et image s'allient pour une expérience singulière. Dans la maison de son grand-père au pied du Jbel Bargou, le chanteur Nidhal Yahyaoui a eu l'idée d'installer une résidence musicale avec la collaboration, avec Sofiène Ben Youssef, jeune compositeur tunisien basé en Belgique, qui assure la direction musicale et les arrangements. L'aventure embarque d'autres musiciens tunisiens, belges, français et japonais travaillant sur la rencontre entre la musique traditionnelle de Siliana et le Stambeli. Il fallait donc marier les instruments de base des deux styles musicaux — gasba et percussions pour le premier, gombri et krakeb pour le deuxième — auxquels ont été ajoutés des éléments modernes, tels que le clavier, la batterie, la basse et la guitare. Grâce à un kit sonore, une sorte de studio mobile, la vieille maison familiale a repris vie et a donné une autre dimension à un héritage musical longtemps resté à l'écart de ce qui se faisait dans l'arrière-pays, derrière la montagne. Le projet Bargou 08 vient, dans ce sens, valoriser un patrimoine culturel vers lequel on se tourne rarement, par les temps qui courent en Tunisie postrévolutionnaire. Plus qu'un disque musical, le projet comporte un volet photographique, avec des clichés pris par Laurence Bodart et un film documentaire réalisé par Carolina Corral et Christine Moderbacher. C'est d'ailleurs les extraits du film, lancés sur Youtube et sur les réseaux sociaux, qui ont permis de faire du bruit autour du projet. Les réalisatrices y suivent une filature anthropologique puisqu'elles s'intéressent aux traditions qui entourent la naissance des rythmes et des paroles originels, en plus de la recherche et du processus de création par lequel sont passés les musiciens de Bargou 08. Les habitants du village sont donc un élément indissociable du projet puisque c'est de leurs tripes que sont sorties des chansons comme Nesek rahala et Ya min ijina, reprises par le groupe, en plus d'autres titres du répertoire Stambeli comme Lella malika et Hammouda. Les habitants de Bargou apparaissent dans le film, mais ils ont également beaucoup supporté le projet derrière la caméra en apportant leur aide et leur inspiration. Un concert leur a été offert à la fin des répétitions, un moment fort qui figure lui aussi dans le film. Un autre concert de Bargou 08 a eu lieu en mai dernier à la maison de la culture Ibn-Rachiq et le projet continue d'évoluer loin de son nid, en attendant d'autres représentations.