Par Jawhar CHATTY C'est à la limite anodin et risible tant l'on a fini par ne plus prendre au sérieux les politiques et leurs déclarations... Le petit peuple en aurait pourtant volontairement ri mais le cœur n'y est pas. La dernière sortie en date du président de la République ne le fait pas rire ; elle le rend triste et encore un peu plus inquiet au sujet de la suite qui sera donnée cette semaine au Dialogue national. Sans doute, le locataire de Carthage nous a-t-il fort habitués à ses déclarations tonitruantes, à l'emporte pièce. La sincérité rattachée en principe à son passé droit-de-l'hommiste lui fait parfois dire des choses à contre-courant, hors normes, politiquement incorrectes, épousant la voix du peuple et le rendant forcément sympathique auprès de lui. Mais c'est rare et c'est au gré des humeurs d'un président foncièrement frustré d'avoir été amputé de l'essentiel des prérogatives de sa fonction. Même dans ces cas, il est la cible des gens « sérieux », le pain béni des caricaturistes qui, de guerre lasse, ont fini par cultiver à son égard une indulgence nonchalante ! Il arrive cependant que les propos du président soient pris au sérieux ! Rien de plus normal du reste, sauf que la « normalité » a depuis longtemps déserté le pays. Au moment justement où l'opinion publique inquiète pour son avenir a faim de savoir et où les medias préoccupés de leur rentabilité et de l'audimat sont avides de...scoop, les déclarations à fortiori d'un président ne peuvent tout naturellement pas être prises et reprises à la légère ! Elles sont tellement prises au sérieux qu'il n'est pas interdit de supposer qu'elles lui avaient été soufflées... en présage d'une nouvelle manœuvre politicienne à la veille d'une éventuelle reprise du Dialogue national. Qui croire dans ce grand cirque quand le président de la République déclare à l' agence de presse turque qu'un consensus a été trouvé concernant le prochain chef du gouvernement, que l'annonce en sera faite au début de cette semaine et que le Quartet et les principaux acteurs politiques du Dialogue national le désavouent publiquement ? Cela laisse dubitatif et est propre à susciter et à nourrir toutes les suspicions, toutes les supputations. Que les propos du président de la République aient été mal interprétés par l'agence turque, on n'en doute nullement. Reste que le mal est fait... Considérer cet incident comme de la « simple » dissonance au plus haut sommet de l'Etat , c'est d‘abord et de facto éroder un peu plus le prestige de l'Etat, déjà en lambeaux. C'est surtout s'interroger sur le degré de soutenabilité du Dialogue national lui-même, sur le degré de crédibilité et de sincérité de ses différents acteurs et sur leur franche adhésion à l'esprit et à la logique du consensus. Mettre encore cette fois-ci les déclarations même supposées du président de la République sur le simple compte du dérapage coutumier qui est supposé être le sien et que certains lui prêtent, c'est courir le risque de fragiliser un peu plus un Dialogue national déjà balbutiant. C'est aussi courir le risque de voir se prolonger la comédie humaine et le grand cirque politique auquel assiste depuis des mois, interdit et béat, le petit peuple.