Il a participé à l'atelier de concertation organisé par Article 19 pour la création d'un Conseil de la presse en Tunisie. Il participe également aux rencontres sur « Journalisme et déontologie en Tunisie » qui se tiennent à Hammamet. Nous l'avons rencontré A quels secteurs précis de la presse un conseil, qui est un organe d'autorégulation des médias, s'adresse-t-il ? L'autorégulation dans le domaine du journalisme n'est plus une question sectorielle, ne concerne pas seulement la presse écrite ou électronique. Mais il s'adresse plutôt à tous les contenus journalistiques : audiovisuels, électroniques et écrits. D'autant plus que nous vivons à une époque de profondes transformations technologiques qui se traduisent par une convergence médiatique. Ainsi, dans une même rédaction, différents supports sont utilisés : les sites, une production audio-visuelle et des contenus destinés à une version papier. D'où notre besoin d'avoir à travers l'installation d'un Conseil de la presse une seule instance de déontologie journalistique, d'autorégulation et de médiation entre le public et les journalistes. Un Conseil de la presse a-t-il également pour mission de défendre la liberté d'expression ? Il faudrait différencier entre la liberté d‘expression en général et celle des journalistes en particulier. Il est très intéressant d'engager une réflexion sur ce qui distingue la liberté du blogueur, par exemple, ou du citoyen qui veut exprimer des opinions sans subir de contraintes et la liberté des journalistes exercée dans un cadre de restrictions, d'éthique et surtout de valeurs. Il n'est pas nécessaire qu'un blogueur soit honnête, juste et humain. Alors que pour le journaliste la question de la vérité représente un principe cardinal : il doit présenter des informations claires et vérifiées, tout en multipliant ses sources, et s'ouvrir sur les divers points de vues. Il doit également être indépendant car le journaliste n'est pas un propagandiste. Enfin, l'humanisme du journaliste se traduit par la conscience qu'il doit avoir de l'impact de ses mots et de ses images sur le public. C'est pour cette raison que nous sommes contre la violence et l'incitation à la haine ! En quoi un Conseil peut-il améliorer la qualité de la production journalistique ? A travers le débat et les forums entre les journalistes sur cette question précise de la qualité : qu'est ce que la qualité d'un contenu ? Comment la reconnaître ? Comment l'identifier ? Cette réflexion sur le travail des médias est très importante pour les faire avancer. Le rôle de médiateur du Conseil de la presse peut-il aller jusqu'à sanctionner les médias qui ont transgressé les règles déontologiques ? La question des sanctions pose un grand problème. L'idéal à ce propos serait que les médias acceptent volontairement les critiques de leurs paires. Dans la plupart des pays du monde où ces conseils existent, les médias sont obligés de publier les critiques qui leurs sont adressées. Je suis contre l'utilisation d'un système de sanction répressif et lourd. Dans certains pays démocratiques, comme le Danemark et la Suède, les conseils disposent de beaucoup de pouvoirs. Ils peuvent obliger un média à publier un droit de réponse et aller jusqu'à fixer le volume du texte, son emplacement et son délai de publication ou exiger des amendes. Mais il n'existe pas de modèle parfait. Les professionnels tunisiens ont besoin de trouver leur propre système. Toutefois, l'expérience dans ce domaine nous enseigne que le consensus et l'adhésion volontaire des médias aux décisions du Conseil renforcent la crédibilité de cette instance auprès de l‘opinion publique et consolide le contrat de confiance entre les médias et le public ! Justement la crédibilité d'un Conseil est-elle le fruit de son indépendance par rapport aux politiques ou à l'intégration de la société civile en son sein ? Voilà une double question à discuter entre les professionnels. A mon avis, il est nécessaire de respecter les distances entre journalistes et politiques. C'est pour cela qu'il ne faudrait surtout pas recourir au parlement ou au gouvernement pour choisir les membres du Conseil. D'autre part, un Conseil intégrant généralement parmi ses membres, à côté des journalistes et des éditeurs, une partie de la société civile, engage des voix publiques parmi ses composantes. La question est très importante. En Suède, on fait appel au Conseil national de l'éducation. Au Danemark, à l'ordre des avocats. La crédibilité de ces structures d'autorégulation dépend à la fois de leur indépendance des politiques et de leur ouverture sur la société civile. A quoi sert un Conseil de la presse ? Article 19 a pris part aux concertations engagées, depuis le début de cette année, entre le Syndicat national des journalistes tunisiens et la Fédération tunisienne des patrons de journaux autour du projet de création d'un Conseil de la presse en Tunisie. L'organisation Article 19 a pour mission de jouer un rôle de facilitateur pour réaliser ce projet ambitieux et qui appuie l'idée selon laquelle les journalistes possèdent les moyens de s'autoréguler. En fait, un Conseil de la presse, tel qu'il existe au Canada, en Allemagne, en Indonésie, aux Pays Bas et dans d'autres pays du monde sert essentiellement à instaurer la confiance dans les médias, à inciter au respect de la déontologie, à réduire par la médiation le nombre de procès contre les journalistes et à prévenir l'ingérence de l'Etat dans l'univers des médias. Ses fonctions vont du traitement des plaintes présentées par le public et les professionnels, à l'auto-saisie, dans des cas précis, à l'organisation d'activités pédagogiques et à la publication d'un rapport annuel sur les activités du Conseil. O.B.