Conviés à une assemblée générale extraordinaire, précédée la veille d'ateliers de réflexion sur les grands chantiers du secteur, les agents de voyages sont venus en masse à l'hôtel Riadh Palm (qui a été le théâtre d'un attentat avorté, il y a quelques semaines) témoigner de leur attachement au tourisme et marquer leur solidarité avec les hôteliers. Leur courage a été ressenti aussi dans des débats francs et sans détour. Au bout de trois «annus horribilis» marquées par une chute très prononcée des arrivées touristiques en Tunisie, les agences de voyages, maillon fondamental de la chaîne touristique, sont aujourd'hui à la croisée des chemins. Obligés de se rabattre sur d'autres segments d'activité tels que la Omra, l'out-going et le tourisme local, les agents de voyages ne sont plus prêts à se laisser tondre la laine sur le dos. Ils comptent reconquérir ces spécialités et redonner à ces segments leurs titres de noblesse, quitte à hausser le ton face à une administration marquée par le laxisme. C'est que le secteur, qui compte plus de 750 agences de voyages et qui emploie plus de huit mille personnes, est confronté aujourd'hui à de multiples difficultés. Et c'est tout le secteur du tourisme qui risque d'en accuser un coup fatal. Car, sans ces agents, la machine à vendre des voyages se grippe. Hier, ils étaient là pour témoigner d'un mal de crâne généralisé. Dans les trois ateliers dédiés à trois segments, à savoir le transport terrestre, le tourisme local et l'organisation de la Omra, les voix se sont fait entendre. Les maux ont été pointés du doigt. Des ébauches de solutions ont été également identifiées. Mais la voie du salut passera indéniablement par la nécessaire question de la restructuration du «toit du secteur» qu'est la Fédération tunisienne des agences de voyages. Pour y parvenir, les membres se pencheront dès aujourd'hui sur la question des amendements des statuts. «Fini les temps où l'agent de voyages est mis à l'index par tous les intervenants ; administration, tutelle, Banque Centrale, compagnies aériennes, hôteliers et même clientèle», a asséné hier Mohamed Ali Toumi, président de la Ftav. «L'agent de voyages ne doit plus rester le maillon faible de la chaîne» a-t-il souligné. Pour pallier cette situation, Med Ali Toumi a invité les membres de la corporation à soutenir l'action de la Ftav et à se serrer les coudes. Car, ce n'est pas à la Ftav d'être forte mais c'est à la profession de l'être, a-t-il expliqué. Certes, les bases de cette forteresse sont déjà jetées avec des avancées notables sur certains dossiers tels que celui de la Omra où le gage de la libéralisation a été remporté haut la main malgré «une manœuvre visant à faire capoter ce processus en misant sur l'échec programmé des agences de voyages», il n'empêche la vigilance reste de mise. Pas de droit à l'erreur sur ce dossier. En effet, longtemps bridée par les restrictions imposées par la SNR (Société nationale des résidences, connue sous le nom de Montazah Gammarth) qui a conservé la mainmise sur la Omra et le Haj, pendant plus de quinze années, sa libéralisation progressive a rebombé le torse à plusieurs agents de voyages. «Fort heureusement, les agences de voyages ont démontré leur capacité à réussir sans l'assistance de la SNR (Société Montazah Gammarth)», a-t-il indiqué sans toutefois nier quelques déconvenues lors de cette expérience. Il n'empêche, la Ftav aura réussi à arracher un quota supplémentaire cette année, selon son président, et qui va porter le seuil à plus de trente mille participants au petit pèlerinage «Omra», pour l'exercice prochain qui débutera «dès que les prévisions des agences seront transmises à la Ftav», a ajouté M. Toumi, soulignant au passage que la Omra pourrait débuter à partir de décembre prochain. Sur un autre plan, l'épineuse question du transport terrestre continue de tarauder plusieurs agents de voyages. En effet, les investissements lourds consentis par les agents de voyages dans les parcs de transport pèsent lourd sur les frêles épaules de ceux-ci. En conséquence, nombreuses sont les agences qui ne sont plus aujourd'hui en mesure d'honorer les échéances financières de la CNSS, des impôts ou encore des crédits en leasing (qui financent leur matériel roulant). Il n'empêche, le recours à des moyens détournés pour résorber le déficit causé par la baisse de l'activité excursions et circuits a été dénoncé par les participants. Malheureusement, les agences spécialisées dans d'autres créneaux ne sont pas épargnées non plus. Ainsi, celles qui font de l'Outgoing sont touchées de plein fouet par la décision de la Banque centrale de Tunisie de plafonner l'enveloppe destinée à l'Inclusive Tour. Les autres qui se sont lancées dans le filon du tourisme local, se trouvent nez à nez en concurrence déloyale avec leurs propres fournisseurs, les hôteliers. Les billettistes font face aux nouvelles conditions draconiennes posées par l'Iata (l'Association internationale du transport aérien) qui a révisé à la hausse les cautions bancaires. Les agences spécialisées dans le tourisme d'affaires et de congrès (Mice) sont confrontées à l'abandon par les entreprises étrangères de la destination Tunisie pour l'organisation de leurs événements professionnels (au vu du climat global qui règne dans le pays). Tous ces problèmes et bien d'autres mettent en péril la santé financière de tout un secteur et de ceux qui y travaillent. Les solutions existent pourtant mais leur mise en application demeure tributaire du bon vouloir de l'administration du tourisme et celle du transport, notamment. Encore faut-il qu'elles aient la moindre considération pour les employés du secteur. Au sein de la Ftav, on est cependant déterminé à faire entendre la voix d'une profession qui constate avec amertume que la révolution ne s'est pas encore faite dans son rayon d'activité. Pourtant, dans les amendements des statuts prévus pour aujourd'hui lors d'une assemblée générale extraordinaire, une note de démocratie pourrait voir le jour. Il s'agit, entre autres, de la limitation des mandats des membres du bureau.