Un mur décrépi, une demi-vache, une porte fatiguée, c'est Sfax, Kairouan et Kasserine dans le regard de Wassim Ghozlani Une Tunisie triviale, d'un quotidien triste, et ma foi trop réel. Une Tunisie loin des clichés de carte postale, certes comme le veut le projet, mais loin aussi de la magie d'un regard, du rêve d'un artiste, de la transfiguration d'un créateur. Dans ses « Postcards From Tunisia », Wassim Ghozlani dénie et renie « la Tunisie havre de paix et de prospérité » des images d'Epinal. Il réfute cette fuite en avant qui fait que « Les Tunisiens ne regardent plus ce qu'ils ont sous les yeux, ils cherchent désespérément à faire en sorte que la réalité du paysage corresponde à leur attente. Cette attitude conduit à nier «ce qui est » au profit de « ce qui aurait dû être ». Lui, Wassim Ghozlani, a entrepris, avec les photos de la série « Postcards From Tunisia », de révéler la vraie Tunisie et sa valeur, là où les habitants ne perçoivent qu'un quotidien indigne d'intérêt. Faut-il dire qu'il a réussi ou échoué ? On ne saurait trop, tant le regard, le cadrage, le format, le choix de l'argentique, poétisent cette Tunisie qui se veut triviale, et lui donnent une lumière de préciosité qui contredirait son dessein premier. Lui qui voulait dévoiler une réalité terre à terre, démystifier la joliesse de rigueur dans l'image officielle, se laisse aller à ses émotions, et crée une autre représentation, plus forte, plus sensuelle, plus contrastée, plus révélatrice aussi de ce pays qu'il a sillonné trois années durant du Nord au Sud. Ce mur écaillé qui symbolise Sfax raconte une longue histoire, toute de bruits et de fureurs. Cette porte fermée de Kairouan cache des affrontements assourdis, des révoltes enfouies, des espoirs engloutis. Toutes les vaches sont-elles aussi belles que cette moitié de bovin de Kasserine, qui revendique son complément et sa juste place dans la marche de son pays. Et a-t-on déjà su regarder ainsi l'olivier millénaire, porteur de toutes les mémoires, de toutes les richesses ? Quant au lac perdu sous la brume, cité d'Ys en voie de perdition, pleure-t-il ou se réjouit-il de l'arrêt de tous les projets pharaoniques le concernant ? Alors quoi qu'il dise, quoi qu'il ait souhaité faire, la Tunisie, dans le regard de Wassim Ghozlani est bien belle. Boîte magique et cartes postales Parallèlement à l'exposition, Aïcha Gorgi et Wassim Ghozlani présentent un coffret de cartes postales en édition limitée, illustré en sa couverture par le graffeur El Seed, dont on regrette que sa collaboration s'arrête là, et pour la présentation duquel nous cédons la parole à Leïla Souissi: « La boîte de Wassim est celle que l'on emmènerait avec nous en quittant la Tunisie, boîte magique et obsédante, pleine d'ex-votos et de gris-gris, qui nous incitera tous à revenir encore et encore. Wassim, photographe amoureux de la Tunisie, la parcourt inlassablement, et hors les lieux communs, la hume, la cajole, et la sublime en photos. Dans sa boîte, il nous offre cinquante « cartes postales », instants volés avec affection et talent dans les 24 régions de Tunisie ».