Lequel régime «boostera les investissements privés qui assureront la redynamisation et le développement de l'économie», selon lui. Quelques jours plus tôt, le président du mouvement Ennahdha a, dans le prêche de la prière du vendredi 29 novembre, affirmé «qu'une partie de l'intelligensia et de l'élite tunisiennes est allergique à tout ce qui émane de l'Islam. Telles que les banques islamiques, les institutions de sécurité et de solidarité sociales, ou encore les «kottab» et écoles coraniques, appelant à leur fermeture, ainsi que le ‘‘waqf'' bénéfique à tous. Ce rejet et cette intolérance sont dus soit à l'ignorance soit à une hostilité à l'égard de l'Islam», indique-t-il. Dans ce prêche, le président d'Ennahdha a vanté les mérites du «waqf», dont notamment «la répartition du pouvoir et la distribution des richesses dont résulteront la fraternité, l'entraide et la participation à la vie sociale et politique, ce qui allégera les charges et le fardeau de l'Etat. Car le ‘‘waqf'' a rendu, auparavant, de grands services à la société islamique qui était florissante». Mais, poursuit-il, «au lieu de bien accueillir ce projet de loi qui est en train d'être discuté à l'ANC au sein de la commission des législations, cette élite a mené toute une campagne contre le régime du ‘‘waqf'', le qualifiant de régression, de retour en arrière et d'archaïque. Or le ‘‘waqf'' n'est pas opposé à la modernité, puisque 80% de l'enseignement aux USA est basé sur les fondations. Le prix Nobel également d'ailleurs. Ainsi, la société islamique vise à nous enrichir et à faire de chacun de nous un citoyé aisé». Supercherie et diversion A ces propos sur «l'hostilité de l'élite à l'Islam», Sadok Belaïd, professeur de droit constitutionnel, réplique : «Prétendre que ceux qui ne sont pas favorables aux ‘‘habous'' ou ‘‘awqaf'' sont hostiles à l'Islam, c'est du sophisme. Mieux, «plus le mensonge est gros, plus il passe facilement». Car le Coran n'a pas parlé une seule fois des «awqaf». Ce genre d'allégations doit être dénoncé comme une grosse supercherie visant à tromper le peuple par l'amalgame entre l'idée de ces fondations (awqaf) et l'Islam. De son côté, Kaïs Saïed, professeur de droit constitutionnel, affirme qu'«il ne s'agit pas d'un problème de croyances, car la majorité des Tunisiens sont musulmans. Le régime du ‘‘waqf'' n'est pas non plus un principe ou l'un des piliers fondamentaux de l'Islam pour que l'on évoque une quelconque hostilité ou un rejet de l'Islam». Pourquoi, alors, cette urgence à vouloir réinstaurer ce régime, notamment par Ennahdha ? Kaïs Saïed est catégorique : «Du temps des habous, les régions étaient également défavorisées et pas seulement après l'indépendance. Pendant des siècles, les régions de l'intérieur du pays souffraient de pauvreté et d'indigence. Je pense que cette volonté affichée et cette urgence à vouloir faire renaître de ses cendres le régime des «habous», sont plutôt dues à des considérations d'ordre politique afin de créer une situation de fait difficile à réviser». Pour sa part, Jawhar Ben Mbarek, professeur de droit constitutionnel et coordinateur du réseau Dostourna, estime, lui, «que réactiver le régime du ‘‘waqf'' relève du politique et non du religieux, ni de l'idéologique. Cette question n'est pas prioritaire, mais constitue une sorte de manœuvre politique à l'instar de celle du règlement intérieur de l'ANC ou de l'application de la charia. L'objectif étant de faire diversion et de détourner les regards des vrais problèmes du pays, tel le blocage du Dialogue national. Cela fait partie de la stratégie d'Ennahdha de lancer des ballons d'essai pour faire diversion. Car chaque fois qu'il y a une crise politique, Ennahdha sort de son chapeau un élément nouveau pour enliser davantage le pays dans la crise. Nous refusons de rentrer dans ce genre de débat qui ne peut aucunement contribuer à sortir le pays de la crise. Pour un gouvernement qui n'a pas de programme, de vision, de discours cohérent, ni de solutions aux problèmes économiques et politiques, ce n'est pas le régime du «waqf» qui résoudra les problèmes et qui mettra fin au marasme que connaît le pays. Abus Mais, malgré tout, cette loi sera-t-elle présentée, discutée et votée, en plénière par les députés de l'ANC ? Jawhar Ben Mbarek pense que «le parti majoritaire à l'ANC peut très bien manœuvrer dans ce sens afin, croit-il, de pousser les députés de l'opposition à revenir au galop pour sauver le pays. En fait, il s'agit d'une manœuvre et d'une politique enfantines». Pour le professeur Sadok Belaïd, «le gouvernement, qui est démissionnaire, l'ANC et la présidence de la République ne sont pas légitimes. Il s'agit d'un régime de fait qui n'a aucune légalité, ni légitimité, son mandat s'étant terminé le 23 octobre 2012. Donc du point de vue juridique et politique, ce régime n'a pas le droit de prendre pareille décision qui engage tout le pays et toute la société et qui a une portée lointaine. Ce régime n'a pas le droit de se mêler de questions qui concernent l'avenir du pays qui doit être décidé par un gouvernement et un parlement élus et légitimes. Or, outre les questions de finance islamique, la «zakat», la «sadaka», la justice transitionnelle, le nouveau code des investissements sont des décisions illégales et illégitimes. Ce régime veut imposer des lois qu'il croit éternelles et définitives comme s'il s'agissait du Coran. Or, il se trompe lourdement car une loi illégitime prise dans une phase illégitime sera facilement détruite. Après les prochaines élections, le nouveau gouvernement et les nouveaux élus feront un nettoyage des textes contraires à la révolution et à son esprit. Cela comme nous l'avons fait après le 14 janvier puisque nous avons détruit la constitution et toutes les lois contraires à la révolution».