Plus de 93% des enfants subissent une discipline violente et 32 % des enfants sont l'objet de violence physique par leur mère ou la personne en charge «L'éducation ne se borne pas à l'enfance et à l'adolescence. L'enseignement ne se limite pas à l'école. Toute la vie, notre milieu est notre éducation, et un éducateur à la fois sévère et dangereux», disait Paul Valéry. Malheureusement, en Tunisie, loin des tableaux roses peints durant les 23 années du règne de Ben Ali, le constat de la situation des enfants sous nos cieux et celui des femmes — surtout dans le milieu rural — est assez inquiétant, comme en témoigne le rapport final de l'enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS 4-2011-2012) présenté hier à Tunis en la présence du ministre du Développement et de la coopération internationale et son homologue à la tête du ministère des Affaires de la femme, de la famille, de l'enfance et personnes âgées, ainsi que la représentante du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). Cette étude, menée par l'Institut national de la statistique (INS), avec l'appui de l'Unicef et la contribution financière de l'Unfpa et du bureau de la coopération suisse en Tunisie, a concerné 9600 ménages et fourni des indications concernant la situation des enfants de moins de 5 ans et des femmes âgées de 15 à 49 ans au niveau national. La base du sondage a été stratifiée, dans un premier temps, selon 9 zones géographiques : Grand Tunis, Nord-Est, Nord-Ouest, Centre-Est, gouvernorats de Kairouan, de Sidi Bouzid et de Kasserine, Sud-Est, Sud-Ouest. Puis, dans un second temps, selon le milieu de résidence : milieu urbain ou milieu rural. Barrières et obstacles « Un enfant mal nourri et déscolarisé est un enfant de trop qui reproduira la pauvreté et la marginalisation de ses parents», déclare la représentante de l'Unicef en Tunisie, Maria Luisa Fornara, dans de son allocution. Elle souligne : « Les résultats de l'enquête ont mis en exergue l'existence d'écarts importants entre régions, milieux, catégories sociales, qui constituent autant de barrières et d'obstacles à la réalisation des droits pour un nombre important d'enfants et de femmes. En effet, et en dépit des efforts menés par les différents intervenants, la situation d'un grand nombre d'enfants vulnérables reste marquée par plusieurs privations». Parmi les données qui ont attiré l'attention de Mme Luisa Fornara, celui de la mortalité infantile qui, selon le rapport MICS 4, s'élève à 16,7 pour mille. Toutefois, elle pointe du doigt la disparité des chiffres en comparant le taux de mortalité infantile dans les zones rurales (25 pour 1000), et dans le milieu urbain (12 pour 1000). Soit pratiquement « le double ». Il en est de même pour le taux de mortalité infanto-juvénile (probabilité de mourir avant cinq ans) qui est de 26 pour mille en milieu rural contre 15 pour mille en milieu urbain. Par ailleurs, Mme Fornara s'est inquiétée, en s'appuyant toujours sur les résultats de la MICS 4, du fait que 56 % des enfants tunisiens âgés entre 3 et 5 ans ne bénéficient pas d'éducation préscolaire : un taux jugé « plutôt élevé ». « 40% dans le milieu urbain et 82% en milieu rural. Seuls 13% des enfants issus des ménages pauvres fréquentent une institution préscolaire, contre 81% des enfants les plus riches. Beaucoup de familles pauvres et de familles vivant dans le milieu rural sont exclues des structures préscolaires, à cause du retrait progressif du secteur public au profit du secteur privé. Ceci est très discriminatoire vis-à-vis des enfants issus de familles pauvres. Un enfant qui ne suit pas un système préscolaire a beaucoup moins de chances de réussir successivement à l'école primaire », mentionne Maria Luisa Fornana. « Le châtiment corporel encore répandu » Concernant le volet de la protection de l'enfance, les données du rapport du suivi de la situation de l'enfant et de la femme révèlent que « plus de 93% des enfants subissent une discipline violente dans le cadre de la discipline qui est pourvue par les parents et que 32 % des enfants sont l'objet de violences physiques par leur mère ou la personne en charge ou d'autres membres du ménage qui croient que pour élever un enfant correctement il faut le punir physiquement. L'usage du châtiment corporel est malheureusement encore répandu dans le pays », conclut la représentante de l'Unicef en Tunisie Nous apprenons aussi qu'un peu moins du tiers des femmes (30%) estiment que le mari a le droit de frapper ou de battre sa femme pour une raison ou une autre. Les femmes qui approuvent la violence du mari, dans la plupart des cas, acceptent et justifient la violence dans les cas où la femme négligerait les enfants (21%), affiche son autonomie (par exemple sortir sans le dire à son mari) ou « argumente » avec lui (respectivement 19 % et 17 %). L'acceptation de la violence domestique baisse avec l'amélioration du niveau de scolarisation de la femme et avec l'amélioration du niveau du bien-être économique du ménage. Cette tendance à l'acceptation est beaucoup plus l'apanage des femmes du milieu rural (44 % contre 24 % des femmes du milieu urbain) et, dans une moindre mesure, des femmes qui sont actuellement mariées, en comparaison des autres femmes divorcées, veuves ou célibataires.