Aujourd'hui que l'attitude des éboueurs est devenue à ce point irresponsable, inconsciente et un peu trop capricieuse, nous espérons vraiment que l'Etat ne se soumettra plus jamais à leurs exigences. Qu'ils restent chez eux, nous lèverons nous-mêmes nos ordures. C'est douloureux d'avoir à le penser et à le dire aussi ouvertement, mais la dictature, dans des pays comme le nôtre, a bien des vertus et des mérites : on travaille, on se contente de ce qu'on a, on ne proteste pas, et on se tait. On se tait !... Pas un mot !... Les éboueurs, un peu partout à travers la République, avaient une situation précaire, ils étaient révocables à tout moment, ils percevaient une rétribution de misère, mais on avait, dans le même temps, des villes assez propres tout de même. Avec la révolution, bien des secteurs se sont soulevés pour exiger, qui l'amélioration de leur situation, qui la révision de leur statut, qui des primes et autres avantages. Les grèves en chaîne menaçaient, à un moment, de paralyser le pays. Et l'Etat, comme ébranlé, a répondu à plus de 80 % de leurs doléances. Puis, quand c'était le tour des éboueurs de revendiquer une situation plus humaine, c'est la Tunisie entière qui les a soutenus. Logique : ces éboueurs ne sont autres que nos frères, nos amis, nos enfants, des citoyens comme nous ; et c'est grâce à eux que nous respirons à pleins poumons, que nos villes sont propres et belles aux yeux des étrangers. En écho, donc, à leurs réclamations, ils se sont vu offrir une situation stable (titularisation) et un salaire de loin meilleur que celui qu'ils percevaient avant. Caprices répétitifs Dans d'autres pays où le sens de la responsabilité est aigu, ils auraient réagi avec beaucoup de gratitude, auraient fait montre de plus d'abnégation, auraient multiplié les efforts pour que leur pays brille de mille et un feux. Que non, hélas !... Chez nous, ils ont cru trouver la belle astuce pour inviter périodiquement l'Etat à un bras de fer ignoble et crapuleux. Le genre : «Autant je réclame, autant on exauce mes vœux, sinon, tant pis pour eux, qu'ils croupissent sous les déchets». Quel civisme ! Quel sens de la citoyenneté ! Quelle noblesse d'esprit ! Aujourd'hui, donc, ils exigent on ne sait plus quelles sortes de primes pour daigner reprendre le travail. Sinon ? Sinon, voilà : à chaque coin de rue de Tunis, c'est un monticule d'ordures dégageant des effluves nauséabonds, pestilentiels, horribles. Et vite invités à la fête, les rats ont surgi et accouru de tous côtés. En somme, et en guise de merci, nos chers éboueurs, spectateurs passionnés d'un environnement en déliquescence, nous invitent à nous préparer à quelque épidémie possible à plus ou moins longue échéance. Mais dans la foulée, on a pu remarquer une autre attitude de toute goujaterie : des restaurateurs (et même quelques ‘‘citoyens'') lèvent les ordures de devant leurs établissements (ou leurs domiciles) pour les rejeter... sur le seuil de leurs voisins ! C'est la meilleure... En fait, la propreté est une culture. On l'a ou on ne l'a pas. Que les éboueurs entendent, par caprices répétitifs, devenir les maîtres des lieux sans lesquels nous risquons la peste, c'est que, tout simplement, notre culture de la propreté brille par son absence. Et alors ? Et alors, il n'y a qu'une seule solution : sortons dans les rues, levons nos ordures, épargnons à nos enfants bien des maladies, et, ce faisant, invitons le touriste à admirer la beauté de nos sites, de nos villes. Le plus important : laissons nos éboueurs tranquilles, ils ont besoin d'un long congé. Sans solde, de préférence...