Après Londres, Tunis, Rio de Janeiro... voici la toute récente création du trio Lotfi Achour, Anissa Daoued et Jawhar Basti à l'espace Termac à Paris du 28 janvier au 7 février prochain D'après une adaptation très libre du texte shakespearien, le trio Achour-Daoued-Basti tente une lecture singulière qui transpose cette œuvre fondatrice du théâtre mondial au contexte politique et historique tunisien. C'est une immersion dans la Tunisie des trente dernières années, scène de tant de conspirations, de violences et de complots du règne absolu de ZABA et de sa Leïla, qui s'achève à l'aube du 14 janvier 2011. Quand Bourguiba prend les traits du bon roi Duncan, le peuple se substitue aux personnages secondaires et les sorcières annonciatrices d'ascensions et de morts deviennent des rêves prémonitoires ou des "apparitions" de saints hommes et, tout comme Lady Macbeth pousse au crime son époux pour assouvir sa soif de pouvoir, Leïla Trabelsi met sa beauté et l'absence totale chez elle de scrupule au service de son ambition démesurée. Mêlant fiction théâtrale, marionnettes, chansons et travail documentaire, le spectacle utilise le prétexte de la fable shakespearienne pour questionner l'imaginaire politique arabe et la part de responsabilité des individus dans l'installation des dictatures et de leur perpétuation. C'est l'heure des réinterrogations, qu'elles soient politiques, sociétales ou esthétiques, dans ce moment crucial de l'avenir de nos sociétés. La pièce est une évocation des personnages de Shakespeare, qui leur donne toute leur dimension humaine et sanguinaire, les met au centre de la soif du pouvoir et les fait parler tunisien pour raconter une étape de notre Histoire. Outre cette transposition théâtrale, Lotfi Achour, cinéaste aussi, renforce son propos avec des échappées cinématographiques, avec des interviews filmées de personnalités publiques et d'intellectuels entre psychanalystes, bloggeurs, activistes et islamologues qui s'expriment et questionnent la psychologie du dictateur et ce rapport pervers qu'on peut avoir au pouvoir. «Nous avons voulu faire de ce spectacle l'occasion d'un bilan de notre Histoire contemporaine, un moteur de rassemblement et de questionnement. Avec ce spectacle, on cherche à partager cette réflexion avec le public. Une réflexion qui n'est pas du tout étrangère au public occidental, lui même en quête d'un modèle social et politique qui remettrait l'humain au cœur du débat» : c'est ainsi que les auteurs présentent leur spectacle au public parisien.