Par notre envoyé spécial à Alger Mohsen ZRIBI Etouffant sous l'implacable mainmise des services de sécurité algériens, les terroristes d'Al Qaïda ne font pratiquement plus parler d'eux dans ce pays, et choisissent de s'enfuir en Libye et en... Tunisie ! Le bonheur des uns... «Dieu merci, on n'a plus peur des terroristes», nous confie Hamid Tarhoun, le sourire aux lèvres. Taxiste de son état depuis voilà 20 ans, Hamid, 48 ans, qui affirme connaître Alger comme sa poche, semble se la couler douce, en dépit du calvaire de tous les instants qu'il endure chaque jour dans une métropole à la circulation automobile véritablement asphyxiante. «Ce calvaire qui perdure fatalement, lance-t-il, demeure supportable, à l'opposé des malheurs qu'on a vécus dans les années 90, au plus fort du terrible drame terroriste qui avait embrasé le pays». Et de faire machine arrière, en rappelant qu'«à cette époque à oublier, nous vivions dans la terreur. Nous craignions tout, y compris le voisin du palier, le premier des piétons qu'on croise et le plus simple flic. Et, tenez-vous bien, ce décor apocalyptique a duré une bonne dizaine d'années, avec au final, pas moins de 200 tués». Sortant sa troisième cigarette, Hamid poursuit, rassurant : «Ce fut vraiment un souvenir de triste mémoire. Aujourd'hui, ils ne sont plus heureusement là, ces sales terroristes qui ont nui à 30 millions de patriotes dont le seul tort était de n'avoir pas épousé leurs thèses obscurantistes et haineuses. Qu'ils aillent au diable». Les propos de Hamid, qui reviennent sur toutes les bouches des habitants de la capitale, illustrent parfaitement le soulagement et la délivrance d'une population qui croit désormais en un avenir meilleur. Circulez, y a pas de... terroristes ! Dans tout Alger, version 2014, on ne parle plus de terroristes. Les attentats à l‘explosif, les voitures piégées, les rapts contre rançon, la circulation des armes, il faut aller maintenant les chercher ailleurs. Pas en tout cas dans ce pays devenu miraculeusement un éden où on l'on sent joie de vivre, quiétude et paix. «Aujourd'hui, jubile Hamid, on peut pousser une veillée jusqu'à l'aube, aller au cinéma, dîner dehors, se payer à une heure tardive de la nuit une virée romantique avec son amie. La belle vie, quoi». Il est vrai que, pratiquement au coin de chaque rue, les flics sont là, le doigt sur la gâchette, prompts à faire mouche à tout moment. Mais, c'est surtout du côté de La Colonne, un quartier huppé de la capitale qui abrite la résidence privée du président Bouteflika et l'immense siège de l'ambassade des Etats-Unis, où la présence policière est la plus imposante. Mais elle l'est à un degré moindre autour des chancelleries occidentales et arabes et des édifices publics, alors que des unités de l'armée se chargent de la protection des principaux complexes gaziers et pétroliers qui étaient les plus visés au temps de l'insurrection intégriste des années 90. Les mosquées sont, pour leur part, entre de bonnes mains, grâce à la présence, 24 heures sur 24, de patrouilles policières et à l'imposition d'imams tolérants désignés par l'Etat. «La situation sécuritaire est redevenue totalement normale dans le pays», assure un policier algérois qui, tout en refusant de décliner son identité «par obligation de discrétion et de réserve», précise-t-il, ne fut pas avare en révélations. «Les terroristes, indique-t-il, n'ont plus droit de cité dans nos villes, parce qu'on leur a définitivement coupé l'herbe sous les pieds. Les plus dangereux d'entre eux sont en prison ou abattus, et les autres en cavale à l'étranger. Non, ils n'ont plus ni de bases arrière, ni de caches, ni encore de sympathisants». Aqmi en détresse Et cette aile dure d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) de l'Algérien Abdelmalek Droukdel ? «Elle n'émet plus à partir de l'Algérie», répond, visiblement sûr de lui, notre interlocuteur qui précise que «Droukdel, en détresse, a dû, depuis longtemps, transférer son QG ailleurs, très probablement en Libye, ou dans les régions sahariennes situées à nos frontières avec la Libye et la Tunisie». Et d'ajouter : «De temps à autre, donc fort rarement, on signale la présence de ses hommes quelque part dans les zones montagneuses. Et là, ou on les pulvérise, ou alors ils réussissent à se réfugier de l'autre côté de la frontière». Une stratégie exemplaire Comment l'Algérie a pu l'emporter finalement sur l'hydre terroriste qui avait mis, dix ans durant, le pays à feu et à sang ? Deux Algériens, en bons patriotes et apolitiques, vous répondront sans hésiter une seconde, que l'Etat est parvenu à rétablir progressivement la paix dans le pays, à partir de l'an 2000, à la faveur d'une stratégie basée sur trois facteurs essentiels, à savoir : Primo : le mérite du président Bouteflika qui, en ordonnant en 1999, contre toute attente, une amnistie générale, a incité des centaines de terroristes à quitter leurs grottes montagneuses pour venir déposer les armes, contre des promesses officielles garantissant leur réinsertion dans la vie active. Secundo : le renforcement massif de l'appareil sécuritaire du pays, avec de gros efforts dans les domaines du recrutement des agents, de la construction de nouveaux postes de police et de casernes militaires, de l'acquisition à l'étranger d'équipements sophistiqués de défense et de la consolidation continue de la coopération bilatérale avec les pays occidentaux et voisins en matière de renseignements et de suivi. Tertio : la précieuse collaboration de la population qui, n'en pouvant plus après avoir enduré une terrible décennie de guerre civile, avait fini par prendre les armes et constituer ses propres comités de défense des quartiers pour combattre les terroristes où qu'ils se trouvaient. Tunisie, destination privilégiée ? Aujourd'hui, et grâce à cette formidable stratégie, l'Algérie doit servir d'exemple aux pays enlisés dans les sables mouvants de la nébuleuse intégriste. La Tunisie, en premier lieu, est appelée (condamnée) à s'en inspirer, dans la mesure où elle est devenue la destination privilégiée des terroristes algériens qui désertent, de plus en plus, leur pays, en quête d'horizons plus sûrs. Pas plus tard que le 14 janvier dernier, les médias algériens ont annoncé que deux dangereux barbus qui étaient dans le double collimateur de la police et de l'armée ont réussi à s'enfuir en Tunisie, via la région de Zrizar (département d'Ettaref). Bien avant ce duo, d'autres terroristes algériens, par désespoir, ont dû, à leur tour, s'infiltrer en Tunisie, à travers les zones montagneuses et forestières menant aux gouvernorats de Kasserine et Jendouba. Si les services de renseignements algériens, très coopératifs, font le nécessaire en alertant leurs homologues tunisiens sur chaque information crédible, il va sans dire que la balle est aujourd'hui dans le camp tunisien qui ne perdrait rien à suivre l'exemple de l'Algérie.