Lutter contre l'exode rural, c'est avant tout lutter contre la pauvreté. Les régions ouest du pays ont besoin d'un plan de développement spécifique et urgent Les régions intérieures du pays, celles de l'Ouest en particulier, au Nord comme au Centre, sont les plus pauvres à tous points de vue. L'infrastructure n'a pas connu l'amélioration qu'il fallait depuis l'Indépendance. Il y a, certes, eu des tracés routiers ça et là et quelques ouvrages de grande envergure, tels que les barrages, mais rarement des projets générateurs de richesse. Pourtant, une région comme le Nord-Ouest, peut se prévaloir d'une multitude d'atouts qui pourraient en faire l'une, sinon la plus prospère de la Tunisie. Délaissée à dessein ou par négligence, elle compte parmi les plus pauvres, en dépit de ce qu'elle produit, mais dont elle ne profite nullement. Cette situation ne date pas d'aujourd'hui, elle est en grande partie consécutive à la politique de collectivisation qui a contraint des dizaines de milliers de jeunes à quitter leurs terres ou leurs villages pour aller chercher de quoi vivre dans les grandes villes, ou pour les plus chanceux d'entre eux, émigrer en Europe. Cette hémorragie n'était pas sans conséquences sur l'équilibre humain et économico-social. Cette population active en âge de produire et de créer des richesses en quittant le pays natal sous l'effet du chômage et du manque de perspectives réelles, pour un avenir meilleur, a privé ces régions de son apport pour un véritable développement qui aurait sans doute permis de créer des conditions favorables pour diversifier l'activité économique et donner davantage de chances de se fixer sur leur sol aux nouvelles générations. Or, qu'observe-t-on aujourd'hui dans ces contrées? En réalité, il n'y a que le désespoir ou, dans le meilleur des cas, la contre-bande pour faire face à la précarité qui prévaut. Et le plus préoccupant dans tout cela, c'est cette tendance à quitter le pays qui prend de l'ampleur parmi, bien sûr, les jeunes. Aujourd'hui, et selon le dernier recensement, on sait que le taux de vieillissement le plus élevé parmi la population tunisienne se trouve dans le gouvernorat du Kef! Le constat ne devrait pas beaucoup différer, dans les gouvernorats voisins qui connaissent les mêmes problèmes dus à un développement en deçà des aspirations des habitants et des potentialités réelles que recèlent ces régions. Population vieillissante ! L'homme et la richesse sont intimement liés, point de richesse sans l'homme et vice-versa. Or, pour ces régions qui se voient vider de leur population active, par conséquent du facteur générateur de richesses, l'on ne doit pas s'étonner de les voir faire chaque jour un pas de plus vers le dénuement et la misère. Et ce ne sont pas les petites mesures de replâtrage qui vont inverser la tendance. Par ailleurs, on ne devra nullement se leurrer pour espérer que des solutions viennent du privé. Ce dernier est loin d'être mû par un quelconque souci social, l'essentiel pour lui, c'est le gain, et cela est légitime. C'est plutôt à la communauté nationale —ou si vous voulez à l'Etat— de prendre des initiatives. Tout d'abord par l'imagination d'un réel programme de développement économique dont le volet le plus urgent sera de doter ces régions de l'infrastructure adéquate, à même de permettre aux gens et aux produits de circuler sans entrave, ensuite de favoriser la création d'emplois, en misant sur des projets adaptés aux spécificités de ces régions, aux potentialités agricoles considérables et aux ressources minières inestimables. Une sorte de «plan Marshall», — toutes proportions gardées bien sûr — est un impératif pour que ces régions retrouvent et leur équilibre humain et leur dignité sacrifiés sur l'autel des petits calculs qui ont péché par un manque flagrant d'une vision globale du développement du pays, en favorisant des régions au détriment d'autres. Nous ne procédons nullement d'un esprit régionaliste, mais la réalité nous pousse malgré nous à dire les choses telles qu'elles se présentent. Car, qu'on le veuille ou pas, les régions ouest du pays ont, depuis 1956 jusqu'à nos jours, payé le prix fort pour le développement du reste du pays sans que l'on songe à leur donner leur petite part de cette richesses nationale dont elles se produisent l'essentiel en matière de produits agricoles, en eau qui nourrit le reste du pays, en minerai de phosphate et autres fers, etc. La pauvreté n'est pas une fatalité, pourvu que l'on sache donner à chacun l'opportunité de s'en sortir et que l'on redonne de l'espoir aux jeunes pour qu'ils demeurent chez eux et prennent part au développement de leurs régions et ne plus se sentir dans l'infériorité dans laquelle on les a jetés.