Ben Jeddou : «Nous avons le diagnostic. Les stratégies et les compétences existent. Les plans de riposte et d'anticipation. Les moyens posent, hélas, problème» Hier, dans la matinée, les représentants des médias étaient conviés à une rencontre avec le ministre de l'Intérieur, une rencontre que Lotfi Ben Jeddou a souhaité voir se renouveler, à chaque fois qu'il y aurait du nouveau, comme l'a demandé le chef du gouvernement. Après ce bref préambule, Lotfi Ben Jeddou, qui était entouré de Ridha Sfar, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, chargé de la Sécurité, ainsi que du directeur général de la sécurité nationale et du commandant de la Garde nationale, a dressé un tableau général de la situation relative au terrorisme et à la lutte acharnée menée contre ce phénomène. Trois repaires C'est ainsi qu'il a rappelé l'ébranlement qu'a connu le secteur de la sécurité nationale, au lendemain du 14 janvier, avec la mise à feu de plusieurs de ses locaux, la prolifération de la violence et des blocages des routes (Ndlr : sans oublier les soubresauts qui l'ont secoué de l'intérieur et la remise en question par une bonne partie de la classe politiques et de la société civile de certains de ses services et de ses cadres). «Une situation chaotique qui a engendré une perméabilité sans précédent des frontières qui a facilité l'entrée de beaucoup de terroristes à partir des zones de tension et l'affluence de grandes quantités d'armes en provenance de la Libye», précisait le ministre. Et d'ajouter que le groupe Ansar Echaria a profité de ce climat pour s'organiser, tenant deux congrès au vu et au su de tout le monde, avant de dévoiler son vrai visage et de révéler au grand jour ses desseins et son esprit d'hégémonie qui «frappe» d'apostasie tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Ne manquant pas de financement, d'encadrement (des «émirs» à l'expérience établie, venant d'Algérie) et d'armes en provenance de Libye, ce groupe a commencé à recruter parmi des catégories facilement endoctrinables dont les anciens détenus cherchant pénitence et les sans-emploi des régions et des quartiers défavorisés. Ce faisant, il a élu domicile dans trois repaires-refuges : les mosquées dont ils ont contrôlé une grande partie, installant leurs propres imams chargés du prêche du vendredi, un prêche extrémiste incitant à la haine et à la division; l'Internet et sa toile où l'endoctrimement, l'échange de messages codés et l'apprentissage de la fabrication des explosifs ont fait rage; enfin les montagnes où Ansar Echaria a fini par rejoindre le groupe Okba Ibn Nafaâ, responsable des tristes méfaits du mont Chaâmbi. Ces «taqfiriyoun» (accusateurs de mécréance) sont entraînés en Libye et en Syrie. Les solutions d'urgence Selon Lotfi Ben Jeddou, pour faire face à l'hydre terroriste, il s'agit essentiellement d'agir sur ces trois repaires. Aussi est-il indispensable de reprendre le contrôle des mosquées qui sont sous la coupe de ce groupe — 380 selon le ministère de l'Intérieur, 50 d'après celui des Affaires religieuses (?!) — et épurer les autres lieux de culte des «imams» nommés par le département de tutelle et qui se sont avérés «taqfirioun», tout en améliorant les conditions et les honoraires des «imams» chargés du prêche du vendredi, afin qu'ils puissent résister aux pressions et aux menaces. Il faut ensuite trouver les moyens à même de faciliter l'intervention sur la Toile, dans le respect de la loi, pour pouvoir fermer les sites qui distillent la haine et prônent la violence, tout en poursuivant ceux qui se cachent derrière. Pour ce qui est du troisième repaire, à savoir les montagnes, il est évident que sans moyens adéquats, ni la Garde nationale ni les forces armées ne peuvent venir à bout de terroristes dont les équipements et l'arsenal sont bien fournis et efficaces. «Heureusement que les réticences qui prévalent — avant l'adoption de la Constitution et la mise en marche du processus de la feuille de route — chez certains pays fournisseurs, ont pratiquement disparu. C'est ainsi que nous attendons la livraison imminente du matériel, dont des casques et des gilets pare-balles, pour améliorer notre efficience dans la lutte contre le terrorisme», a encore déclaré le ministre. C'est toujours insuffisant Et de continuer que même si le budget de son département a pratiquement doublé, que les compétences, les plans d'anticipation et de riposte existent et que la volonté de nos forces armées et de sécurité de combattre ce fléau est inébranlable, la contribution et l'engagement de tous sont indispensables pour que le pays se débarrasse du terrorisme. «Au-delà des lois qu'il faut instaurer pour empêcher le voyage des candidats au jihad dans les zones de tension, il est important que le ministère de l'Agriculture recoure à un nombre conséquent de gardes forestiers et améliore leurs équipements, que le ministère de l'Education multiplie les cours d'initiation religieuse qui mettent en garde contre les accusations d'apostasie, que le ministère de l'Agriculture sensibilise quant à la limitation du recours à l'ammonitre, un produit utilisé dans tous les engins explosifs que nous avons saisis. Et ce, en attendant que le ministère de l'Industrie lui apporte les transformations susceptibles d'éliminer ses caractéristiques explosives», a proposé Ben Jeddou, qui n'a pas manqué d'exprimer sa satisfaction, suite à la consolidation de la coopération avec l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme, tout en espérant que la zone tampon avec la Libye sera dans les prochaines semaines mieux équipée et davantage fournie en hommes, afin de mettre fin à la contrebande en tous genres qui y sévit et d'empêcher Ansar Echaria, soutenu par des parties libyennes qui disposent de véhicules puissants et d'armes lourdes (mitrailleuses 14.5), d'en faire un quatrième repaire permanent. Mais le ministre a subitement évité de désigner les responsables de la montée du terrorisme et de l'extrémisme dans un pays connu pour sa modération dans la piété comme dans la modernité. Seulement cela, c'est sûrement la même affaire.