La saison de piquetage des plants a déjà commencé, dans le Centre et au Cap Bon notamment Pour le nord et le nord-ouest, la préparation bat son plein, le coup d'envoi sera donné au plus tard dans deux semaines. A cet effet, il faudrait souligner que des travaux ont déjà eu lieu. A commencer par le défonçage, un labour profond qu'on effectue généralement au mois d'août et au plus tard au mois de septembre. Suivent ensuite au moins deux autres types de labour, question d'aérer la terre et de la désherber par la même occasion. Une opération qui précède le hersage si des mottes persistent, le traçage des sillons pour la plantation et bien sûr l'installation du matériel destiné à l'irrigation qui se fait de nos jours au système du goutte-à-goutte. Sans omettre de signaler qu'entre un labour et un autre, on procède à la fertilisation de la terre par le fumier (engrais naturel), le DAP et le phosphate (engrais chimiques). Comme le processus de préparation le montre, il n'est plus facile aujourd'hui de s'improviser cultivateur de tomate si on ne maîtrise pas la technique nécessaire et si on n'a pas les moyens. Et c'est là que le bât blesse car toute opération exige de l'investissement et plus on avance dans la campagne plus les charges augmentent. Et comme la plupart des agriculteurs, ont des moyens limités et ne pouvant pas financer la totalité de la campagne, ils ont recours aux prêts bancaires, mais ceux-ci avec la paperasse exigée et moult entraves dressées sur le chemin, deviennent si dissuasifs qu'on préfère aller demander de l'aide auprès des industriels de la transformation du produit qu'on devra obligatoirement leur destiner, une fois mûri! Mais cette solution, autant elle n'est pas aussi compliquée que celle de la banque autant elle met le pauvre cultivateur devant un choix qu'il doit accepter sans discussion. Les conditions sont si draconiennes qu'à la fin de la campagne, il n'est pas certain qu'il parvienne à rentrer dans ses frais. Prêts bancaires dissuasifs Les plants de tomate qu'on achète auprès des pépinières varient entre 30 et 33 millimes le plant. L'usine de transformation prêteuse — du moins celle dont on nous a parlé — les propose au prix de 36 millimes. Trois millimes de plus au moins par rapport au marché. Pour un hectare de tomate, cela fait 90d,000 de plus quand on sait qu'à l'hectare, on a besoin de 30.000 plants. La tonne de DAP coûte 580d, l'amonitre 400d. Le potassium importé de Jordanie 3.200d et le nitrate 2.600d. Tous ces produits sont fournis en grande partie par l'industriel contractant avec toujours une commission perçue sur les prix pratiqués sur le marché. Idem pour les fongicides, pesticides et toutes sortes de défoliants qui entrent dans la lutte contre les parasites (mildiou oïdium). Au bout du compte, on se retrouve avec une facture des plus salées avec en plus les mains liées par le contrat signé au printemps). Les mains liées parce qu'on doit se plier aux exigences du transformateur-prêteur. Exigences qui ont commencé avec la majoration des prix des plants, des engrais et des défoliants, et qui finissent par le prix qu'on vous propose pour la marchandise qui lui est destinée, telle que stipulée dans le contrat. Certains agriculteurs, auxquels nous avons posé la question, nous ont indiqué que le prix du kilo de tomate destinée à la transformation est de 123 millimes, desquels il faudrait soustraire 5% de taxe agricole et 2% pour on ne sait quel fonds ! Prix de misère sans doute auquel il faudrait ajouter — et cela a souvent été le cas — une autre pratique qui consiste à soustraire 10% du poids, arguant que cela représente la quantité avariée ou pourrie à cause de la chaleur. Que reste-t-il des 123 millimes ? A peine 117 ou 118 millimes qu'on devra attendre parfois jusqu'au mois de janvier pour être payé. Et nos syndicats agricoles dans tout cela? Pour ne pas aller jusqu'à dire qu'ils sont complices —du moins l'Utap, car le nouveau syndicat vient tout juste de voir le jour —, on peut affirmer sans risque d'être contredit qu'ils sont impuissants devant l'omnipotence du grand capital. Quant à l'Etat, il a toujours été du côté du plus fort et cela n'a pas changé depuis la nuit des temps. La libéralisation du prix des conserves de la matière en question en atteste. Et ce que les cultivateurs de tomate craignent comme la peste, c'est la libération du prix à la production. Une telle mesure signera, à n'en point douter, l'arrêt de mort de ces petits exploitants, au profit des industriels qui profiteront de l'occasion pour s'emparer eux-mêmes du maillon production. Ils ont les moyens d'acheter les terres les plus fertiles —ils le font déjà—, de se faire accorder les terres domaniales. Ils sont avantagés par leurs ressources et les moyens de financement auxquels ils ont un accès facile auprès des banques, contrairement aux damnés de la terre qui vivent aujourd'hui dans l'incertitude et l'inquiétude. Car, si pour cette année, on est parvenu tant bien que mal à préparer et entamer la campagne, pour les années à venir, rien n'est moins sûr avec tout le flou qui règne dans le pays et la capacité d'une certaine catégorie de gens qui ont les moyens d'écraser tout sur leur chemin. Ajoutons à cela la hausse des prix de tous les produits dont l'usage est indispensable dans la culture de la tomate. Ainsi, et la boucle est elle bouclée.